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Ascite cirrhotique

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Définition et étiologie

L’ascite est définie comme l’accumulation de liquide dans la cavité péritonéale. Il s’agit d’une manifestation clinique courante, dont les causes extrapéritonéales et péritonéales sont diverses (encadré 1), mais qui résulte le plus souvent d’une cirrhose du foie. Le développement d’une ascite chez un patient cirrhotique annonce généralement une détérioration de l’état clinique et présage un mauvais pronostic.

Boîte 1. Causes courantes d’ascite

Causes extrapéritonéales

Budd-.Chiari

Ascite chyleuse

Cirrhose

Insuffisance cardiaque congestive

Hypoalbuminémie

  • Syndrome néphrotique
  • Malnutrition
  • Entéropathie avec perte de protéines-.entéropathie perdante

Myxœdème

Pancréatite

Causes péritonéales

Endométriose

Infection

    .

  • Tuberculose
  • Bactérienne
  • Fongique
  • Parasitaire

Maladie

    .

  • Cancer de l’ovaire
  • Cancer du pancréas

Autres

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Prévalence

L’ascite est la complication majeure la plus fréquente de la cirrhose et constitue un repère important dans l’histoire naturelle de la maladie hépatique chronique. S’ils sont observés pendant 10 ans, environ 60% des patients atteints de cirrhose développent une ascite nécessitant un traitement.

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Pathophysiologie

L’ascite cirrhotique se forme à la suite d’une séquence particulière d’événements. Le développement d’une hypertension portale est la première anomalie à se produire. Lorsque l’hypertension portale se développe, des vasodilatateurs sont libérés localement. Ces vasodilatateurs affectent les artères splanchniques et diminuent ainsi le débit sanguin artériel effectif et les pressions artérielles. Le ou les agents précis responsables de la vasodilatation font l’objet d’un large débat ; cependant, la plupart des publications récentes se sont concentrées sur le rôle probable de l’oxyde nitrique.

La vasodilatation progressive entraîne l’activation de mécanismes vasoconstricteurs et antinatriurétiques, tous deux dans le but de rétablir des pressions de perfusion normales. Les mécanismes impliqués comprennent le système rénine-angiotensine, le système nerveux sympathique et l’hormone antidiurétique (vasopressine). L’effet final est la rétention de sodium et d’eau. Dans les stades tardifs de la cirrhose, l’accumulation d’eau libre est plus prononcée que la rétention de sodium et conduit à une hyponatrémie de dilution. Cela explique pourquoi les patients cirrhotiques avec ascite présentent une rétention urinaire de sodium, une augmentation du sodium corporel total et une hyponatrémie de dilution, un concept difficile pour de nombreux médecins.

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Signes et symptômes

Les symptômes de l’ascite varient d’un patient à l’autre et dépendent largement de la quantité de liquide. Si l’ascite est présente à l’état de traces, le patient peut être asymptomatique et le liquide ne peut être détecté que lors d’un examen physique ou radiologique. Si une grande quantité de liquide est présente, le patient peut se plaindre de plénitude abdominale, de satiété précoce, de douleurs abdominales ou d’essoufflement.

Les résultats de l’examen physique sont tout aussi variables. La précision de la détection de l’ascite dépend de la quantité de liquide présente et de l’habitus corporel du patient : l’ascite peut être plus difficile à diagnostiquer techniquement chez les patients obèses. Si l’ascite est présente, les résultats typiques sont une distension abdominale généralisée, une plénitude des flancs et un trouble de l’humeur. Si l’examen physique n’est pas définitif, l’échographie abdominale peut être utilisée pour confirmer la présence ou l’absence d’ascite.

Deux systèmes de classification de l’ascite ont été utilisés dans la littérature (tableau 1). Un système plus ancien a classé l’ascite de 1+ à 4+, en fonction de la détectabilité du liquide à l’examen physique. Plus récemment, un système de gradation différent a été proposé, du grade 1 au grade 3. La validité de ce système de gradation n’a pas encore été établie.

Tableau 1. Systèmes de gradation des ascites

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Grade Sévérité Score
1 Minimal 1+
2 Modéré 2+
3 Sévère 3+
4 Tendue 4+

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Diagnostic

Si un patient non cirrhotique développe une ascite, une paracentèse diagnostique avec analyse du liquide d’ascite est une partie essentielle de l’évaluation médicale. Chez un patient atteint d’une cirrhose bien établie, le rôle exact d’une paracentèse diagnostique est moins clair. Notre opinion est que pour un patient ambulatoire très fonctionnel avec une cirrhose documentée, le nouveau développement d’une ascite ne nécessite pas systématiquement une paracentèse. Les patients cirrhotiques devraient cependant subir une paracentèse en cas de fièvre inexpliquée, de douleurs abdominales ou d’encéphalopathie ou s’ils sont admis à l’hôpital pour quelque raison que ce soit. Il est fréquent que des patients cirrhotiques hospitalisés présentent un liquide d’ascite infecté (péritonite bactérienne spontanée, PBS) même en l’absence de symptômes. Cela est particulièrement vrai en cas d’hémorragie gastro-intestinale importante.

Les complications de la paracentèse abdominale sont rares, survenant dans moins de 1% des cas. Une faible numération plaquettaire ou un temps de prothrombine élevé ne sont pas considérés comme une contre-indication, et la transfusion prophylactique de plaquettes ou de plasma n’est presque jamais indiquée. L’insertion de l’aiguille de paracentèse est le plus souvent effectuée dans le quadrant inférieur gauche ou droit, mais elle peut également être réalisée en toute sécurité sur la ligne médiane. Une échographie abdominale peut guider la procédure si le liquide est difficile à localiser ou si les premières tentatives pour obtenir du liquide sont infructueuses.

Des informations cliniques précieuses peuvent souvent être obtenues par l’examen macroscopique du liquide d’ascite (tableau 2). L’ascite cirrhotique non compliquée est généralement translucide et jaune. Si le patient souffre d’un ictère profond, le liquide peut apparaître brun. La turbidité ou la turbidité du liquide d’ascite suggère la présence d’une infection et des tests diagnostiques supplémentaires doivent être effectués. Un liquide rose ou sanglant est le plus souvent causé par un traumatisme léger, le sang sous-cutané contaminant l’échantillon. L’ascite sanglante est également associée au carcinome hépatocellulaire ou à toute ascite associée à une malignité. Le liquide d’aspect laiteux présente généralement une concentration élevée de triglycérides. Un tel liquide, communément appelé ascite chyleuse, peut être lié à une lésion ou une obstruction du canal thoracique ou à un lymphome, mais il est souvent lié principalement à une cirrhose.

Tableau 2. Aspect brut du liquide d’ascite

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Couleur Association
Translucide ou jaune Normal/stérile Marron Hyperbilirubinémie (le plus fréquent)
Vessie biliaire ou perforation biliaire
Cloudy ou turbide Infection Rose ou teintée de sang Traumatisme léger sur le site Gros sang Malignité
Traumatisme abdominal
Laiteuse (« chyleuse ») Cirrhose
Lésion du canal thoracique
Lymphome

Plusieurs tests du liquide d’ascite sont actuellement disponibles, pourtant la stratégie de test optimale n’a pas été bien établie. En général, en cas de suspicion d’ascite cirrhotique non compliquée, seules une concentration en protéines totales et en albumine et une numération cellulaire avec différentiel sont déterminées (encadré 2). Moins de 10 ml de liquide sont nécessaires pour effectuer ces tests de base. La concentration d’albumine est utilisée pour confirmer la présence d’une hypertension portale en calculant le gradient d’albumine entre le sérum et l’ascite, ou SAAG. Le SAAG est déterminé en soustrayant la valeur d’albumine de l’ascite d’une valeur d’albumine sérique obtenue le même jour :

albuminserum – albuminascites = SAAG

Le SAAG a été prouvé dans des études prospectives pour catégoriser l’ascite mieux que tous les critères précédents. La présence d’un gradient supérieur à 1,1g/dL indique que le patient présente une ascite liée à l’hypertension portale avec une précision de 97 %. L’hypertension portale est généralement causée par une cirrhose du foie ou, plus rarement, par une obstruction du flux sanguin due à une insuffisance cardiaque droite ou au syndrome de Budd-Chiari. Une valeur de SAAG inférieure à 1,1g/dL indique que le patient ne présente pas d’ascite liée à l’hypertension portale et qu’il faut rechercher une autre cause d’ascite. La détermination du SAAG n’a pas besoin d’être répétée après la mesure initiale.

Boîte 2. Analyse du liquide d’ascite

Routine

Comptage cellulaire avec différentiel

Albumine

Culture*

Parfois. utile

Niveau de lactose déshydrogénase

Glucose

Amylase

Triglycéride

Bilirubine

Cytologie

Tuberculose frottis et culture

Rarement utile

pH

Lactate

Tache tramée

*Si une infection est suspectée et/ou si la numération corrigée des polymorphonucléaires est ≥250 cellules/mm3.

La numération cellulaire et le différentiel sont utilisés pour déterminer si le patient est susceptible de présenter un SBP. Les patients présentant une numération des polymorphonucléaires (PMN) de l’ascite supérieure à 250 cellules/mm3 doivent recevoir des antibiotiques empiriques, et du liquide supplémentaire doit être inoculé dans des flacons d’hémoculture pour être envoyé en culture. La numération des PMN est calculée en multipliant les globules blancs/mm3 par le pourcentage de neutrophiles dans le différentiel. Dans un échantillon sanglant, qui contient une forte concentration de globules rouges, la numération des PMN doit être corrigée : 1 PMN est soustrait de la numération absolue des PMN pour chaque tranche de 250 globules rouges/mm3 dans l’échantillon.

Selon le jugement clinique, des tests supplémentaires peuvent être effectués sur le liquide d’ascite, notamment les protéines totales, la lactate déshydrogénase (LDH), le glucose, l’amylase, les triglycérides, la bilirubine, la cytologie ou le frottis et la culture de la tuberculose. Ces tests ne sont généralement utiles que lorsqu’on suspecte une affection autre que l’ascite cirrhotique stérile. Les tests qui ne sont pas systématiquement utiles comprennent la détermination du pH, les niveaux de lactate et la coloration de Gram. Les résultats de la coloration de Gram sont d’un rendement particulièrement faible, sauf si l’on soupçonne une forte concentration de bactéries, comme dans le cas d’une perforation intestinale libre.

Résumé

  • Les patients cirrhotiques doivent subir une paracentèse diagnostique en cas de fièvre inexpliquée, de douleurs abdominales ou d’encéphalopathie ou lorsqu’ils sont admis à l’hôpital pour quelque cause que ce soit.
  • La paracentèse est une procédure sûre, avec un faible risque de complication grave.
  • Le gradient d’albumine du sérum à l’ascite (SAAG) peut être calculé pour déterminer si le patient a une ascite liée à l’hypertension portale.
  • La numération cellulaire et le différentiel du liquide d’ascite sont utilisés pour déterminer si le patient est susceptible de souffrir d’une péritonite bactérienne spontanée (PBS).

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Traitement

Le traitement réussi de l’ascite cirrhotique est défini comme la minimisation du liquide intrapéritonéal sans déplétion du volume intravasculaire. Malgré un manque de données soutenant une diminution de la mortalité, la minimisation de la quantité de liquide d’ascite peut diminuer la morbidité liée aux infections chez le patient cirrhotique. Le traitement de l’ascite peut améliorer considérablement la qualité de vie en diminuant l’inconfort abdominal ou la dyspnée, ou les deux. La gestion générale de l’ascite chez tous les patients doit inclure la réduction de la consommation d’alcool, de médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et de sodium alimentaire. Le recours à des interventions plus agressives dépend largement de la gravité de l’ascite et comprend les diurétiques oraux, la paracentèse thérapeutique (ou de grand volume), la dérivation portosystémique intrahépatique transjugulaire (TIPS) et la transplantation hépatique orthotopique (figure 1).

L’ascite de faible volume

Tous les patients présentant une ascite cirrhotique doivent être encouragés à minimiser leur consommation d’alcool. Même si l’alcool n’est pas la cause de leur maladie hépatique, son arrêt peut entraîner une diminution des fluides et une meilleure réponse aux thérapies médicales. Les patients souffrant d’ascite doivent également minimiser l’utilisation de tous les AINS ; ces agents inhibent la synthèse des prostaglandines rénales et peuvent entraîner une vasoconstriction rénale, une diminution de la réponse diurétique et une insuffisance rénale aiguë. Enfin, il faut conseiller aux patients souffrant d’ascite de limiter leur consommation de sodium à un maximum de 2 g/jour. Comme le liquide suit passivement le sodium, une restriction en sel sans restriction en liquide est généralement tout ce qui est nécessaire pour diminuer la quantité d’ascite. Chez les patients ayant un minimum de liquide, la restriction de l’alcool, des AINS et du sel peut être tout ce qui est nécessaire pour contrôler adéquatement la formation d’ascite.

Ascarite de volume modéré

Les patients ayant une surcharge liquidienne modérée qui ne répondent pas aux mesures plus conservatrices doivent être considérés pour un traitement pharmacologique. Une réduction rapide de l’ascite est souvent accomplie simplement par l’ajout de diurétiques oraux à faible dose en ambulatoire.

Le traitement diurétique de première intention pour l’ascite cirrhotique est l’utilisation combinée de spironolactone (Aldactone) et de furosémide (Lasix). Les doses initiales sont de 100 mg de spironolactone et de 40 mg de furosémide par jour, par voie orale. Si la perte de poids et la natriurèse sont insuffisantes, les deux médicaments peuvent être augmentés simultanément après 3 à 5 jours pour atteindre 200 mg de spironolactone et 80 mg de furosémide. Pour maintenir un équilibre électrolytique normal, l’utilisation du ratio 100 : 40 mg de spironolactone et de furosémide est généralement recommandée. Les doses maximales acceptées sont de 400 et 160mg/jour de spironolactone et de furosémide, respectivement.

La réponse aux diurétiques doit être soigneusement surveillée sur la base des changements de poids corporel, des tests de laboratoire et de l’évaluation clinique. Les patients sous diurétiques doivent être pesés quotidiennement ; le taux de perte de poids ne doit pas dépasser 0,5 kg/jour en l’absence d’œdème et ne doit pas dépasser 1 kg/jour en présence d’œdème. Les taux sériques de potassium, d’azote uréique du sang (BUN) et de créatinine doivent être suivis en série. En cas d’hyponatrémie marquée, d’hyperkaliémie ou d’hypokaliémie, d’insuffisance rénale, de déshydratation ou d’encéphalopathie, on doit réduire la dose de diurétiques ou l’interrompre. La mesure systématique du taux de sodium urinaire n’est pas nécessaire, mais elle peut être utile pour identifier le non-respect de la restriction sodique alimentaire. Les patients excrétant plus de 78 mmol de sodium/jour (88 mmol d’apport alimentaire – 10 mmol d’excrétion non urinaire) détectés sur une collecte urinaire de 24 heures devraient perdre du poids liquide. Si ce n’est pas le cas, elles ne respectent pas leur régime alimentaire et doivent être orientées vers un diététicien. Le rapport sodium/potassium dans l’urine ponctuelle pourrait à terme remplacer la lourdeur du recueil sur 24 heures : Il a été démontré qu’une concentration de sodium dans l’urine aléatoire supérieure à la concentration de potassium est en corrélation avec une excrétion de sodium sur 24 heures supérieure à 78 mmol/jour avec une précision d’environ 90 %. En raison des complications potentiellement graves associées à l’utilisation de diurétiques, les patients souffrant d’ascite doivent être évalués par un prestataire de soins de santé au moins une fois par semaine jusqu’à ce qu’ils soient cliniquement stables.

L’ascite de grand volume

L’ascite de grand volume est définie comme du liquide intrapéritonéal en quantité telle qu’elle limite considérablement les activités de la vie quotidienne. Avec une rétention de liquide supplémentaire, l’abdomen peut devenir progressivement distendu et douloureux. On parle alors communément d’ascite massive ou tendue.

La paracentèse thérapeutique (ou de grand volume) est une thérapie bien établie pour l’ascite de grand volume. Cependant, l’utilisation d’un colloïde post-procédure, généralement de l’albumine, reste une question controversée. Des études ont montré que les patients qui ne reçoivent pas d’albumine par voie intraveineuse après une paracentèse de grand volume présentent des modifications significativement plus importantes de leurs taux sériques d’électrolytes, de créatinine et de rénine. La pertinence clinique de ces résultats n’est cependant pas bien établie. En effet, aucune étude à ce jour n’a pu démontrer une diminution de la morbidité ou de la mortalité chez les patients n’ayant pas reçu d’expanseurs plasmatiques par rapport aux patients ayant reçu de l’albumine après une paracentèse. Compte tenu du coût élevé de l’albumine et de son rôle clinique incertain, d’autres études doivent certainement être menées. Jusqu’à ce que ces études soient réalisées, les directives de pratique actuelles indiquent qu’il est raisonnable, mais pas obligatoire, d’administrer de l’albumine pour les paracentèses supérieures à 5 L. Bien qu’aucune comparaison directe n’ait été étudiée, on utilise généralement de l’albumine à 25 % à des doses de 5 à 10 g/L d’ascite retirée.

Pour prévenir la réaccumulation du liquide d’ascite, les patients présentant une ascite de grand volume doivent être conseillés sur la limitation de la consommation d’alcool, d’AINS et de sodium. Ils doivent également être placés sous un régime diurétique agressif. Les patients sensibles aux diurétiques sont généralement traités par des modifications du mode de vie et des médicaments, et non par des paracentèses en série.

Ascite réfractaire

L’ascite réfractaire survient chez 5 à 10 % des patients atteints d’ascite cirrhotique et présage un mauvais pronostic. La définition de l’ascite réfractaire est la suivante : (1) absence de réponse aux diurétiques à forte dose (400 mg de spironolactone et 160 mg de furosémide/jour) tout en restant conforme à un régime pauvre en sodium ou (2) récidive fréquente de l’ascite peu après une paracentèse thérapeutique. Les patients présentant des effets secondaires récurrents du traitement diurétique, notamment une hyponatrémie symptomatique, une hyperkaliémie ou une hypokaliémie, une insuffisance rénale ou une encéphalopathie hépatique, sont également considérés comme présentant une ascite réfractaire. Les options thérapeutiques comprennent la paracentèse de grand volume avec perfusion d’albumine, la pose d’un TIPS ou la transplantation hépatique. Les shunts chirurgicaux (par exemple, shunt de LeVeen ou de Denver) ont essentiellement été abandonnés car les essais contrôlés ont montré une mauvaise perméabilité à long terme, des complications excessives et aucun avantage en termes de survie par rapport au traitement médical.

La paracentèse thérapeutique fréquente avec ou sans perfusion d’albumine est le traitement le plus largement accepté pour les patients présentant une ascite réfractaire (voir « Ascite de grand volume » pour la controverse et le dosage de l’utilisation de l’albumine). Pour les patients qui présentent un liquide localisé ou qui ne veulent pas ou ne peuvent pas subir de paracentèses fréquentes, la mise en place d’un TIPS peut également être envisagée. Chez le patient sélectionné de manière appropriée, le TIPS est très efficace pour prévenir la récidive de l’ascite en diminuant l’activité des mécanismes de rétention du sodium et en améliorant la fonction rénale. Les études en cours détermineront si le TIPS pourrait également apporter un bénéfice en termes de survie.

Aux États-Unis, le TIPS est le plus souvent réalisé sous sédation consciente par un radiologue interventionnel. On accède au système porte par la veine jugulaire, et l’opérateur insère un shunt auto-expansible entre les veines porte (haute pression) et hépatique (basse pression). Le but ultime de l’intervention est d’abaisser les pressions portales à moins de 12 mm Hg, niveau auquel l’ascite commence à s’accumuler. Les complications sont relativement fréquentes et comprennent l’hémorragie (intrahépatique ou intra-abdominale) et la sténose ou la thrombose du stent. D’autres complications importantes sont l’encéphalopathie hépatique et la décompensation de la fonction hépatique ou cardiaque. Par conséquent, le TIPS n’est généralement pas recommandé pour les patients présentant une encéphalopathie préexistante, une fraction d’éjection inférieure à 55 % ou un score de Enfant-Pugh supérieur à 12 (tableau 3). Les inconvénients supplémentaires de la procédure sont son coût élevé et son manque de disponibilité dans certains centres médicaux.

Tableau 3 : Child-Pugh*

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Paramètre clinique ou biochimique Points
1 2 3
Bilirubine (mg/dL) <2 2-…3 >3
Albumine (g/dL) >3.5 2,8-3,5 <2.8
Ascites Absent Modéré Tendu
Encéphalopathie Absent Modéré (I ou II) Sévère (III ou IV) Temps de prothrombine
Secondes prolongées ou <4 4-…6 > 6
Ratio international normalisé (INR) <1.7 1,7-2,3 >2,3

*Score de Child-Pugh : A = 5-6, B = 7-9, C = 10-15.

La transplantation de foie est le traitement ultime de la cirrhose et de l’ascite cirrhotique. Le moment approprié pour la référer est débattu, mais devrait être envisagé lorsqu’un patient cirrhotique présente pour la première fois une complication de la cirrhose, comme l’ascite. Parce que l’ascite réfractaire présage un pronostic particulièrement mauvais, une orientation immédiate vers un centre de transplantation hépatique expérimenté est recommandée.

Le taux de survie à 2 ans d’un patient souffrant d’ascite cirrhotique est d’environ 50 %. Une fois que le patient devient réfractaire au traitement médical de routine, 50% meurent dans les 6 mois et 75% dans l’année qui suit. La transplantation hépatique étant associée à un taux de survie à 2 ans de près de 85 %, elle doit être considérée comme une option thérapeutique importante chez tous les patients appropriés.

De nombreuses personnes souffrant d’ascite développeront une infection, le plus souvent sans facteur précipitant connu (comme une diverticulite, une perforation intestinale, etc.). On parle alors de péritonite bactérienne spontanée (PBS). La PBS doit être suspectée en cas de détérioration clinique chez un cirrhotique avec ascite. Le diagnostic repose sur la numération cellulaire du liquide ascitique (plus de 250 polymorphonucléaires/mm3) ou sur une culture positive du liquide ascitique. Un traitement doit être entrepris dès que l’on suspecte une PBS. Le plus souvent, il s’agit d’une thérapie intraveineuse avec un troisième traitement. Le plus souvent, on utilise un traitement intraveineux avec une céphalosporine de troisième génération (par exemple, céfotaxime 2gm toutes les 8 heures). Les quinolones peuvent également être efficaces, y compris les agents oraux comme l’ofloxacine (400 mg deux fois par jour). Il a été démontré que l’albumine intraveineuse (1,5gm/kg de poids corporel au jour zéro et 1,0gm/kg au jour 3) améliore la survie dans les cas de SBP, en particulier chez les insuffisants rénaux, et doit être utilisée si la créatinine ou l’azote uréique sanguin sont élevés. Le traitement antibiotique doit être poursuivi pendant 5 jours. La présence d’une bactériémie n’influence pas la durée du traitement. Un traitement plus long peut être justifié dans certains cas. Les personnes qui survivent à une PBS sont exposées à un risque de récidive. Des antibiotiques prophylactiques sont recommandés, par exemple la norfloxacine à 400 mg par jour ou le triméthoprime/sulfaméthoxazole (160/800). Un guide de pratique clinique mis à jour en 2009 suggère un rôle pour la prophylaxie de la PCS, même chez les personnes qui n’ont jamais eu de PCS. La prophylaxie primaire de la SBP doit être envisagée chez les patients présentant une ascite contenant <1,5 m/dl et un ou plusieurs des éléments suivants : créatinine sérique >1.2mg/dl ; azote uréique sanguin >25mg/dl ; concentration sérique de sodium <130mEq/L, score de Childs Pugh >9 associé à une bilirubine >3mg/dl.

Syndrome hépatorénal

Une complication redoutée de la maladie hépatique avancée est le syndrome hépatorénal (SHR). Dans sa forme la plus virulente (type I), on observe une aggravation inexorable de la fonction rénale se traduisant par une élévation de la créatinine et de l’azote uréique sanguin, aboutissant au décès. Ce syndrome survient presque toujours dans le cadre d’une ascite. Le diagnostic est établi lorsque les autres causes d’insuffisance rénale aiguë sont exclues, en particulier l’hypovolémie due soit à l’utilisation de diurétiques, soit à une infection, soit à une hémorragie. Le SRH est établi chez un patient avec une créatinine de >1,5mg/dl qui ne s’améliore pas avec l’arrêt des diurétiques, une expansion volumique avec de l’albumine, l’absence de maladie rénale obstructive ou parenchymateuse (indiquée par l’échographie, la protéinurie), et l’absence d’utilisation récente de médicaments néphrotoxiques ou d’administration de produit de contraste IV. Le traitement du SRH est frustrant et souvent infructueux. Des études suggèrent un rôle possible pour l’utilisation de l’albumine intraveineuse (par exemple, 25 grammes par jour) avec l’octréotide (200ug sc TID) et la midodrine (5mg TID, titrant jusqu’à un maximum de 12,5mg TID). L’orientation vers les services de transplantation hépatique doit être envisagée pour les patients appropriés. Une forme moins sévère de SRH (type II) est reconnue. Dans cette variante, on observe une insuffisance rénale non progressive sans autre étiologie que la cirrhose.

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Lectures suggérées

  • Ginès P, Cárdenas A, Arroyo V, Rodés J : Management of cirrhosis and ascites. N Engl J Med 2004;350:1646-1654.
  • Ginès P, Quintero E, Arroyo V, et al : Cirrhose compensée : Histoire naturelle et facteurs pronostiques. Hepatology 1987;7:122-128.
  • Ginès P, Titó L, Arroyo V, et al : Étude randomisée de la paracentèse thérapeutique avec et sans albumine intraveineuse dans la cirrhose. Gastroenterology 1988;94:1493-1502.
  • Moore KP, Wong F, Ginès P, et al : The management of ascites in cirrhosis : Rapport sur la conférence de consensus de l’International Ascites Club. Hepatology 2003;38 : 258-266.
  • Runyon BA : AASLD practice guidelines. Prise en charge des patients adultes présentant une ascite due à une cirrhose : une mise à jour. Hepatology 2009;49:2087-2107.
  • Runyon BA, Montano AA, Akriviadis EA, et al : Le gradient d’albumine sérum-ascite est supérieur au concept exsudat-transsudat dans le diagnostic différentiel de l’ascite. Ann Intern Med 1992;117:215-220.
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