Articles

Conséquences juridiques de la cyberintimidation

Posted on

« C’était juste sous l’impulsion du moment. J’étais avec mes amis à ce moment-là, donc c’était juste pour déconner. Je ne voulais pas qu’elle voie tout, c’était juste une blague avec mes amis. Je pensais que seuls mes amis sur mon Facebook le verraient… »

Keeley Houghton, 18 ans condamnée pour intimidation sur Internet au Royaume-Uni et emprisonnée pendant trois mois après avoir posté un message menaçant envers un autre adolescent sur Facebook.

La meilleure solution possible pour prévenir la cyberintimidation est de promouvoir des relations saines pour tout le monde, afin que nous nous traitions mutuellement avec dignité et respect et que l’intimidation n’ait plus sa place dans notre société. Cependant, changer la culture qui accepte l’intimidation comme une forme de comportement ou même de divertissement – comme cela se joue dans une grande partie de la culture populaire actuelle – est souvent plus difficile que de changer la politique et la loi. Des cas récents d’adolescents au Canada et à l’étranger qui se sont suicidés à cause d’une cyberintimidation incessante ont attiré l’attention du public sur la nécessité de rendre des comptes. Des règles sont déjà en place pour protéger les enfants, mais il est probable que des politiques plus strictes finiront par être introduites.

Comment la loi aborde actuellement la cyberintimidation

Droit fédéral

La cyberintimidation peut être abordée en vertu du droit civil ou du droit pénal, selon la situation.

Droit civil

C’est la branche du droit qui traite des droits de propriété, de la dignité personnelle et de la liberté de se blesser. En droit civil, il existe trois approches de la cyberintimidation :

1. Une cyberintimidatrice peut se livrer à de la diffamation

On parle de diffamation lorsque la personne qui intimide porte atteinte à la réputation de quelqu’un en diffusant de fausses informations sur cette personne. En général, la diffamation qui apparaît temporairement (sous forme de discours non enregistré ou dans une émission en direct) est appelée calomnie, et la diffamation qui apparaît de façon permanente (dans un livre ou sur un site Web) est appelée libelle.

Pour être diffamatoire, une déclaration doit porter atteinte à la réputation de quelqu’un, avoir une cible claire et évidente, et peut être vue par des personnes autres que la personne qui fait la déclaration et la cible.

Dans les cas de diffamation, la cible peut intenter un procès contre la personne qui fait la déclaration. Si le procès aboutit, la personne qui a fait la déclaration devra payer des dommages (de l’argent) à la cible.

Une personne accusée de diffamation peut se défendre en disant que la déclaration était vraie, qu’il s’agissait d’un commentaire juste (une critique authentique, pas une attaque personnelle), ou qu’elle a reproduit innocemment la déclaration sans savoir de quoi il s’agissait.

2. La personne qui se livre à la cyberintimidation peut créer un environnement dangereux en donnant à la cible l’impression qu’elle ne peut pas aller à l’école sans être confrontée à la violence, aux taquineries ou à l’exclusion.

Les écoles et les lieux de travail sont tenus de fournir un environnement sûr à leurs élèves ou employés, et doivent prendre toute mesure appropriée pour y parvenir. Une école pourrait donc punir un élève pour un comportement en ligne qui rend difficile l’apprentissage des autres élèves dans un environnement sûr. En Ontario, la Loi sur la sécurité dans les écoles a été modifiée pour inclure spécifiquement le comportement en ligne : les élèves peuvent maintenant être suspendus ou expulsés pour cyberintimidation, même si cela se fait à l’extérieur de l’école.

Une école ou un lieu de travail qui ne fait pas tout ce qu’il peut pour offrir un environnement sûr peut être poursuivi par la ou les cibles. Même si une déclaration n’est pas diffamatoire, la diffuser pourrait tout de même créer un environnement non sécuritaire.

3. Une personne est responsable de toutes les conséquences qu’elle aurait raisonnablement pu deviner.

Par conséquent, une personne qui fait de la cyberintimidation qui suggère qu’une étudiante déprimée devrait se suicider serait responsable si l’étudiante se suicide effectivement, tant que la personne qui faisait de la cyberintimidation avait des raisons de croire que c’était un résultat probable.

Droit pénal

Cette branche du droit détermine quelles actions sont des crimes contre l’État. En droit pénal, il existe deux approches de la cyberintimidation :

1. Le harcèlement est un crime en vertu du Code criminel.

On parle de harcèlement lorsque quelque chose qu’une personne dit ou fait fait craindre à quelqu’un pour sa sécurité ou celle des autres. Même si l’auteur n’avait pas l’intention d’effrayer quelqu’un, il peut être accusé de harcèlement si la cible se sent menacée. Le harcèlement criminel est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison.

2. Le libelle diffamatoire est un crime en vertu du Code criminel.

Il est le plus souvent traité comme un crime si la déclaration diffamatoire est dirigée contre une personne en autorité et pourrait nuire gravement à sa réputation.
La diffamation est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison.

3. La publication d’images intimes sans consentement est un crime en vertu du Code criminel.

La publication d’images intimes sans consentement a été ajoutée comme une infraction en 2015. Cela inclut à la fois la diffusion intentionnelle d’une image « dans laquelle la personne est nue, expose ses organes génitaux ou sa région anale ou ses seins ou est engagée dans une activité sexuelle explicite » ainsi que le fait « d’être insouciant quant à savoir si cette personne a donné ou non son consentement à cette conduite ».

L’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit la liberté d’expression. Cependant, ce droit est garanti, « sous réserve des limites raisonnables prescrites par la loi dont la justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique » et, dans le cas de la cyberintimidation, doit être mis en balance avec l’article 7 qui garantit « le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. » En général, l’article 2 de la Charte n’a pas été accepté comme défense dans les cas d’intimidation civile ou criminelle.

Lois provinciales et territoriales

Plusieurs provinces et territoires ont des lois traitant spécifiquement de l’intimidation en ligne et hors ligne :

Ontario

La Loi sur l’éducation comprend maintenant une définition spécifique de l' » intimidation  » :  » intimidation  » : comportement agressif et typiquement répété d’un élève lorsque :

(a) le comportement est destiné par l’élève à avoir pour effet, ou l’élève devrait savoir que le comportement serait susceptible d’avoir pour effet de :

(i) causer du tort, de la peur ou de la détresse à un autre individu, y compris un tort physique, psychologique, social ou scolaire, une atteinte à sa réputation ou une atteinte à ses biens, ou

(ii) créant un environnement négatif à l’école pour un autre individu, et

(b) le comportement se produit dans un contexte où il existe un déséquilibre de pouvoir réel ou perçu entre l’élève et l’individu en fonction de facteurs tels que la taille, la force, l’âge, l’intelligence, le pouvoir du groupe de pairs, le statut économique, le statut social, la religion, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, la situation familiale, le sexe, l’identité de genre, l’expression de genre, la race, le handicap ou le fait de recevoir une éducation spéciale.

La définition suivante de la cyberintimidation est également donnée :

(1.2) Sans limiter la généralité de la définition du terme « intimidation » au paragraphe (1), l’intimidation comprend l’intimidation, connue sous le nom de cyberintimidation, qui est faite par le biais de toute forme de moyens électroniques en utilisant toute technique, y compris,

(a) la création d’une page web ou d’un blog dans lequel le créateur assume l’identité d’une autre personne ;

(b) l’usurpation de l’identité d’une autre personne en tant qu’auteur du contenu ou des messages affichés ; et

(c) la communication de matériel à plus d’une personne ou l’affichage de matériel sur un support électronique qui peut être consulté par une ou plusieurs personnes.

La loi modifiée exige également que les écoles fournissent « un enseignement sur la prévention de l’intimidation au cours de l’année scolaire pour chaque élève », « des programmes de rattrapage conçus pour aider les victimes d’intimidation » et « des programmes de développement professionnel qui sont conçus pour éduquer les enseignants des écoles relevant de sa juridiction sur l’intimidation et les stratégies pour y faire face ». Chaque conseil scolaire est également tenu « d’établir un plan de prévention de l’intimidation dans les écoles relevant de sa compétence. »

En 2016, un nouveau délit civil appelé « divulgation publique de faits privés embarrassants » a été reconnu par la Cour supérieure de justice de l’Ontario. C’est le résultat d’une affaire où une femme qui a poursuivi un ancien partenaire romantique pour avoir partagé sans sa permission une vidéo sexuellement explicite qu’elle lui avait envoyée. Le délit est défini comme suit :  » celui qui donne de la publicité à une question concernant la vie privée d’une autre personne est sujet à une responsabilité envers l’autre pour atteinte à la vie privée de l’autre, si la question rendue publique ou l’acte de la publication (a) serait très offensant pour une personne raisonnable, et (b) n’est pas une préoccupation légitime du public. « 

Québec

La Loi visant à prévenir et à faire cesser l’intimidation et la violence à l’école modifie la Loi sur l’éducation et la Loi sur l’enseignement privé. Elle définit l’intimidation comme « tout comportement, discours, action ou geste, y compris la cyberintimidation, exprimé directement ou indirectement, notamment par le biais des médias sociaux, ayant pour but de blesser, de faire mal, d’opprimer ou d’ostraciser une personne ». Les conseils scolaires sont tenus de créer des plans de lutte contre l’intimidation et tout le personnel de l’école doit y prendre part.

Alberta

La loi sur l’éducation a été révisée en 2012 pour définir l’intimidation comme « un comportement répété et hostile ou dégradant de la part d’un individu dans la communauté scolaire, lorsque ce comportement vise à causer du tort, de la peur ou de la détresse à un ou plusieurs autres individus dans la communauté scolaire, y compris un tort psychologique ou une atteinte à la réputation d’un individu. » La loi exige que les élèves « s’abstiennent, signalent et ne tolèrent pas l’intimidation ou les comportements d’intimidation dirigés vers d’autres personnes dans l’école, qu’ils se produisent ou non dans le bâtiment scolaire, pendant la journée scolaire ou par des moyens électroniques », tandis que les conseils scolaires doivent « établir, mettre en œuvre et maintenir une politique respectant l’obligation du conseil en vertu du paragraphe (1)(d) de fournir un environnement d’apprentissage accueillant, bienveillant, respectueux et sûr qui comprend l’établissement d’un code de conduite pour les élèves qui traite des comportements d’intimidation. » La loi de l’Alberta est remarquable parce qu’elle exige que les élèves signalent la cyberintimidation s’ils en sont témoins, avec des sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension et l’expulsion pour ceux qui ne le font pas.

Nouvelle-Écosse

En 2013, la province a défini légalement l’intimidation comme « un comportement, généralement répété, qui vise à provoquer ou devrait être connu pour provoquer la peur, l’intimidation, l’humiliation, la détresse ou d’autres dommages au corps, aux sentiments, à l’estime de soi, à la réputation ou aux biens d’une autre personne, et peut être direct ou indirect, et comprend le fait d’aider ou d’encourager le comportement de quelque manière que ce soit  » et la cyberintimidation comme  » l’intimidation par voie électronique qui se produit par l’utilisation de la technologie, y compris les ordinateurs ou autres appareils électroniques, les réseaux sociaux, la messagerie texte, la messagerie instantanée, les sites Web ou le courrier électronique. » En 2015, un juge de Nouvelle-Écosse a statué que la loi violait la Charte des droits et libertés et a ordonné qu’elle soit immédiatement annulée. Au moment de la rédaction de cet article (décembre 2015), aucune loi n’a été rédigée pour la remplacer.

Nouveau-Brunswick

L’article 1 de la Loi sur l’éducation inclut l’intimidation en ligne et hors ligne dans sa définition de  » faute grave « . Les élèves ont également la garantie d’un « environnement d’apprentissage et de travail positif » exempt « d’intimidation, de cyberintimidation, de harcèlement et d’autres formes de comportement ou d’inconduite perturbateur ou non toléré, y compris le comportement ou l’inconduite qui se produit en dehors des heures de classe et des terrains de l’école dans la mesure où le comportement ou l’inconduite affecte le milieu scolaire. » Les directeurs d’école sont tenus d’élaborer un plan pour un environnement d’apprentissage et de travail positif et de signaler tout incident de mauvaise conduite grave au surintendant du district scolaire. Chaque école doit également avoir un comité de soutien aux parents et à l’école qui conseille le directeur d’école sur la façon de promouvoir un comportement respectueux et de prévenir l’inconduite, aide à élaborer des politiques sur la façon de prévenir les comportements irrespectueux ou l’inconduite et sur la façon de soutenir à la fois les élèves qui ont participé à un comportement irrespectueux et ceux qui ont été affectés par ce comportement.

Manitoba

En 2013, la province a adopté un projet de loi qui définit l’intimidation d’une manière qui inclut spécifiquement la cyberintimidation et rend les parents responsables de la cyberintimidation de leurs enfants si le parent en est conscient, pouvait raisonnablement en prédire l’effet et n’a rien fait pour l’arrêter. Elle donne également aux juges ou aux juges de paix le pouvoir de délivrer des ordonnances de protection qui peuvent empêcher un auteur de contacter la cible ou même d’utiliser toute communication numérique. La loi définit également un délit de cyberintimidation en droit civil et permet aux cibles de poursuivre les auteurs ou, dans certains cas, leurs parents.

Territoires du Nord-Ouest

La loi sur l’éducation comprend désormais une définition de l' »intimidation » qui inclut des actes, commis à l’école et en dehors de l’école, destinés ou susceptibles de causer de la peur ou de la détresse ou de créer un environnement d’apprentissage négatif et où il existe une différence de pouvoir réelle ou perçue entre l’auteur et la cible. Elle donne également des exemples de cyberintimidation, notamment l’usurpation d’identité en ligne ou le partage de contenu préjudiciable en ligne. La loi exige également que les divisions scolaires créent des plans de sécurité dans les écoles qui traitent de l’intimidation et de la cyberintimidation.

Untel 464533 c. N.D., 2016 ONSC 541 (CanLII). https://www.canlii.org/en/on/onsc/doc/2016/2016onsc541/2016onsc541.html

Utilisé avec permission :Media smartshttps://mediasmarts.ca/digital-media-literacy/digital-issues/cyberbulling/cyberbullying-law

.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *