Discussion
De nombreux médicaments par voie intraveineuse, dont l’héroïne, sont chauffés avant d’être aspirés dans une seringue pour être injectés. Une fois chauffée, les utilisateurs peuvent aspirer la drogue à travers une boule de coton dans une seringue, ce qui constitue une méthode peu coûteuse pour filtrer la drogue. Les usagers peuvent également essayer d’extraire la drogue d’un coton déjà utilisé lorsque leur réserve d’héroïne est faible. Cette méthode a été appelée « shooting the cottons » par Shragg2 en 1978. La fièvre du coton fait référence à l’élévation transitoire de la température dans les minutes qui suivent l’injection de la drogue filtrée par le coton, ou après le « shooting the cottons ». Les symptômes comprennent la fièvre, des frissons, des maux de tête, des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements et des douleurs musculaires.2
Trois théories ont été proposées pour expliquer la physiopathologie de la fièvre du coton. La théorie immunologique propose que les individus ont des anticorps préformés contre le coton qui provoquent une réaction transitoire. La théorie pharmacologique propose que les substances pyrogènes contenues dans le coton provoquent une réaction fébrile lorsqu’elles sont introduites dans la circulation sanguine. La principale théorie actuelle est celle de l’endotoxine, selon laquelle la bactérie Gram négatif Enterobacter agglomerans colonise le cotonnier et libère une endotoxine qui provoque une fièvre passagère3. Cette théorie est étayée par une hémoculture positive d’E. agglomerans chez un patient qui a apporté le même coton à l’hôpital pour le mettre en culture, ce qui a donné lieu à la culture d’E. agglomerans, de Leclercia adecarboxylata et d’Acinetobacter lwoffi.4
Il existe de nombreuses similitudes entre les cas signalés de fièvre du coton, notamment la présentation, le délai d’apparition des symptômes et la résolution (tableau 1). Les symptômes se manifestent souvent dans les 20 minutes suivant l’injection du médicament : fièvre, frissons, céphalées, douleurs abdominales et douleurs musculaires. Lors de sa présentation aux urgences, le patient sera généralement fébrile, souvent en détresse aiguë légère, et répondra aux critères du syndrome de réponse inflammatoire systémique. Les résultats de laboratoire peuvent révéler une leucocytose mais ne sont pas spécifiques. L’électrocardiographie et la radiographie pulmonaire ne révèlent aucune anomalie, à l’exception d’une tachycardie sinusale. Les hémocultures et l’échocardiographie transthoracique sont couramment réalisées pour exclure une endocardite infectieuse et sont négatives dans le cas de la fièvre du coton. Les symptômes disparaissent généralement dans les 12 heures suivant leur apparition.2⇓⇓⇓⇓-7
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Malgré l’évolution bénigne de la fièvre cotonnière, il est important d’écarter les sources de septicémie, d’endocardite infectieuse et d’autres affections associées à l’utilisation de drogues par voie intraveineuse, notamment le VIH et l’hépatite. Selon la présentation du patient, des antibiotiques par voie IV peuvent être initiés jusqu’à ce que les données des cultures sanguines soient disponibles. La prise en charge de l’intoxication ou du sevrage médicamenteux est importante pendant la période d’observation. Des conseils, y compris une consultation sur la dépendance chimique et l’éducation du patient, doivent également être proposés. En dehors des soins de soutien, aucune intervention spécifique n’est requise pour la fièvre du coton. Les résultats positifs de tests supplémentaires, comme le VIH, nécessitent un suivi supplémentaire. La fièvre cotonneuse peut réapparaître si le patient continue d’utiliser des filtrations de coton avec des injections.
La nature transitoire de la condition a conduit à la proposition que lorsque la fièvre cotonneuse est suspectée, les patients peuvent avoir des cultures sanguines et être surveillés dans l’urgence. Si le diagnostic est la fièvre cotonneuse, les symptômes devraient disparaître ou s’améliorer dans les 12 heures, et le patient pourrait être libéré avec un suivi. Cette approche peut diminuer le taux d’hospitalisations et donc avoir des avantages potentiels en termes d’économies.3 Cependant, 25 % des patients (2 sur 8) dans les cas rapportés sont partis contre l’avis médical, ce qui fait craindre qu’un suivi adéquat ne soit pas réalisable au sein de cette population.
La reconnaissance précise de son diagnostic par notre patiente n’est pas la première fois que cela est documenté dans la littérature. Dans un autre rapport de cas, à sa sortie de l’hôpital après un bilan négatif, une patiente a conjecturé qu’elle avait la fièvre cotonnière.7 La première mention de la fièvre cotonnière que nous avons pu localiser dans des publications évaluées par des pairs datait de 1975.8 Il y a eu moins d’une douzaine de publications au total sur cette affection depuis lors (tableau 1). En revanche, bien que nous ne puissions pas déterminer la date exacte à laquelle la fièvre cotonnière a été reconnue par la communauté des utilisateurs de drogues injectables, les informations sur le diagnostic sont largement disponibles sur les forums en ligne, par exemple, « Drugs Forum », « Heroin Helper » et « Bluelight ». De nombreux utilisateurs de ces sites rapportent avoir eu la fièvre du coton à plusieurs reprises et suggèrent de soulager les symptômes avec de l’aspirine, des benzodiazépines, du sommeil, des tisanes et de l’acétaminophène. Les utilisateurs recommandent également de consulter un médecin si les symptômes ne disparaissent pas dans les 24 heures9⇓-11
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