À l’automne 1776, une société commerciale fictive avait déjà procuré et expédié aux rebelles près de 300 000 livres de poudre à canon, 30 000 mousquets, 3 000 tentes, plus de 200 pièces d’artillerie et des vêtements pour 30 000 soldats. En décembre 1776, trois agents américains à Paris, dirigés par Benjamin Franklin, proposent une alliance officielle entre les États-Unis et la France. Les Français hésitaient encore à entrer ouvertement dans le conflit, en partie parce que les préparatifs de la guerre, notamment les efforts pour renforcer la flotte française, n’étaient pas encore terminés.
Un certain nombre d’aristocrates français idéalistes, comme le marquis de Lafayette, étaient bien trop impatients pour attendre que leur pays entre en guerre. En 1777, Lafayette et de nombreux autres Français sont venus en Amérique pour se porter volontaires comme soldats dans l’armée continentale de George Washington. À la fin de l’année, Paris est informé de l’éclatante victoire américaine remportée en octobre à Saratoga, dans l’État de New York, contre le général britannique Burgoyne. Ses deux conditions étant désormais remplies, Vergennes commence à négocier un traité d’alliance avec les commissaires américains. Le 6 février 1778, la France et les États-Unis signent un « traité d’alliance » ainsi qu’un autre traité « d’amitié et de commerce ». La déclaration de guerre française contre la Grande-Bretagne change tout. Les Britanniques sont désormais impliqués dans une guerre mondiale, et pas seulement dans une tentative de répression d’une rébellion. Les ministres du roi devaient désormais adopter une stratégie militaire plus défensive, et ils étaient également contraints de répartir leurs ressources militaires et leur marine sur un théâtre d’opérations beaucoup plus large.
La grande stratégie envisagée par le Congrès continental et ses généraux consistait à utiliser les forces armées françaises, en particulier la marine française, pour neutraliser la supériorité britannique existante sur terre et sur mer et ainsi vaincre de manière décisive les forces du roi George en Amérique. Le premier soutien militaire français direct à atteindre l’Amérique, en juillet 1778, était un corps expéditionnaire de 4 000 soldats et 16 navires sous le commandement du Comte d’Estaing. La première tentative de monter une opération militaire conjointe américano-française se solde toutefois par un échec. Les navires français ne peuvent pas participer à l’attaque de la ville de New York, occupée par les Britanniques, car ils ne peuvent pas traverser un banc de sable qui bloque l’entrée du port. Le plan suivant prévoyait un assaut contre les troupes britanniques à Newport, Rhode Island, les Français fournissant un soutien naval à une force terrestre américaine. Malheureusement, une combinaison de mauvaises communications et un manque de coordination ont une fois de plus conduit à l’échec. Les Américains accusent les Français d’être responsables de cette attaque ratée et, lorsque d’Estaing et sa flotte retournent à Boston pour y être réparés, le sentiment anti-français est si fort qu’un officier français est tué au cours d’une émeute. Ces échecs sont dus en partie aux différences culturelles entre les nouveaux alliés. D’Estaing et ses officiers aristocratiques méprisaient les soldats citoyens qu’ils rencontraient en Amérique et les traitaient comme des inférieurs.
Les Britanniques déplaçaient désormais le principal théâtre de leurs opérations vers les États du Sud, et en décembre 1778, ils avaient capturé Savannah, en Géorgie. En septembre 1779, l’amiral d’Estaing revient des Antilles en Amérique du Nord et tente une seconde fois une opération militaire conjointe avec les Américains, cette fois pour reprendre Savannah aux Britanniques. Une fois de plus, la campagne se solde par un échec. L’armée alliée a attaqué les solides fortifications britanniques mais a été repoussée avec de lourdes pertes. Les Américains veulent poursuivre le siège, mais d’Estaing refuse car il a l’ordre de rentrer en France. À la suite de ces échecs, de nombreux Américains sont désillusionnés par l’alliance française, et certains commencent même à soupçonner les intentions françaises. La mauvaise volonté croissante envers les Français n’était contrebalancée que par l’argent et les fournitures qui continuaient à arriver de France.
Une paire de pistolets appartenant au marquis de Lafayette, qui a servi dans l’armée continentale américaine de 1777 à
1781, est exposée dans la galerie Converging on Yorktown du musée de la Révolution américaine à Yorktown. Avec l’aimable autorisation de M. et Mme Leslie O. Lynch, Jr.
L’année 1780 était peut-être le point le plus bas dans la lutte américaine pour gagner l’indépendance. Les Britanniques étaient solidement retranchés à New York, avaient pris Charleston, en Caroline du Sud, en mai après un bref siège, et étaient sur le point d’envahir les Carolines. Le seul développement encourageant est l’arrivée d’un autre corps expéditionnaire français sous le commandement du Comte de Rochambeau en juillet. Pendant de nombreux mois, cependant, la petite flotte de Rochambeau et ses 5 500 soldats bien équipés sont isolés dans le Rhode Island, bloqués par la marine britannique. Contrairement à l’amiral d’Estaing, le général Rochambeau s’efforce de cultiver de bonnes relations avec ses alliés américains et traite George Washington comme son égal. Après s’être entretenu avec le général Washington au printemps 1781, Rochambeau et ses quatre régiments marchent par voie terrestre pour rejoindre l’armée continentale près de White Plains, dans l’État de New York. Sa petite flotte, qui avait à bord une artillerie de siège ultramoderne, est restée à Rhode Island.
Le plan initial de Washington était d’utiliser les forces américaines et françaises combinées pour forcer les Britanniques à quitter New York et ses environs. La situation changea cependant radicalement le 14 août 1781, lorsque Rochambeau apprit que l’amiral de Grasse et une grande flotte française, ainsi que quelques fantassins français supplémentaires, arriveraient bientôt à proximité de la baie de Chesapeake. De Grasse était prêt à soutenir une campagne militaire dans la région mais n’était pas disposé à aller aussi loin au nord que New York, et il a prévenu qu’il devait retourner aux Antilles à la mi-octobre. Cette nouvelle allait ouvrir la voie à la campagne militaire finale et décisive de la Révolution américaine.