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Les forêts tropicales d’Afriquesont différentes. Pourquoi il est important qu’ellessoient protégées

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Environ 2 millions de km² d’Afrique sont couverts par des forêts tropicales humides. Elles sont devancées en étendue par celles de l’Amazonie, qui couvrent environ 6 millions de km². Les forêts tropicales abritent un grand nombre d’espèces. Par exemple, on estime que les forêts tropicales humides de la planète abritent au moins 40 000 espèces d’arbres, dont jusqu’à 6 000 dans les forêts africaines.

Pour autant, les forêts tropicales humides africaines sont peu étudiées par rapport à celles d’Amazonie et d’Asie du Sud-Est. Et les forêts tropicales du continent disparaissent à cause de la déforestation à un rythme de 0,3 % chaque année. C’est plus lent qu’en Amazonie (estimé à 0,5% par an au Brésil) et qu’en Asie du Sud-Est (1% en Indonésie).

Mais des pertes plus importantes sont probables à l’avenir si la production d’huile de palme, tirée par une demande mondiale croissante, se développe. Une autre menace majeure est l’exploitation forestière qui est également en hausse.

L’aide aux forêts tropicales africaines pourrait provenir d’une source inattendue : les politiques internationales de lutte contre le changement climatique.

Les forêts tropicales du monde stockent 250 milliards de tonnes de carbone. Si l’on veut maintenir l’augmentation de la température mondiale bien en dessous de 2°C, ce carbone doit rester enfermé dans les arbres plutôt que d’être libéré dans l’atmosphère. C’est pourquoi les incitations à conserver les forêts pour leur carbone ont été officiellement reconnues lors du sommet climatique de Paris en 2015. Le cadre politique REDD+ des Nations unies en est un exemple.

Mais nos recherches sur la relation entre la quantité de carbone que les forêts stockent et leur biodiversité ont produit deux résultats intéressants. La première suggère que les approches axées sur le carbone, comme REDD+, passeront à côté de nombreuses forêts à forte biodiversité. En effet, les forêts qui stockent le plus de carbone n’abritent pas nécessairement le plus d’espèces.

La seconde est que les forêts tropicales d’Afrique ont des caractéristiques uniques. En particulier, nous avons constaté qu’elles stockent plus de carbone que celles de l’Amazonie. Cela rend la conception de politiques qui les protègent d’autant plus importante, et plus complexe.

Diversité des arbres et stockage du carbone

À première vue, les incitations à protéger les forêts pour leur carbone devraient également profiter à la biodiversité. En effet, elles incitent à protéger davantage de forêts. Mais la protection d’une zone détourne souvent les menaces vers d’autres zones. Ainsi, la protection de certaines forêts pour leur carbone pourrait accroître la pression humaine sur d’autres. Il est donc essentiel de connaître la relation entre la biodiversité et le stockage du carbone afin d’évaluer si la conservation axée sur le carbone protégera également les forêts les plus riches en biodiversité. C’est ce que nous avons entrepris de rechercher.

Les forêts tropicales d’Afrique ont des caractéristiques uniques qui les distinguent des forêts d’ailleurs. Sophie Fauset

Des études antérieures ont montré que les fonctions des écosystèmes, comme le stockage du carbone, augmentent avec la biodiversité. On peut donc s’attendre à ce que les forêts comptant le plus d’espèces d’arbres contiennent également le plus de carbone. Mais on ne sait pas si cet effet positif de la biodiversité serait évident dans les forêts tropicales très diversifiées.

Pour voir comment le carbone et la biodiversité étaient liés dans les forêts tropicales matures, nous – une équipe de 115 scientifiques de 22 pays – avons étudié 360 parcelles situées à travers les forêts pluviales de plaine d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie. Dans chaque parcelle d’un hectare (100 m sur 100), nous avons identifié et mesuré le diamètre de chaque arbre. À partir de là, nous pouvions estimer la quantité de carbone stockée par la forêt.

Surprenant, nous avons constaté que la diversité des arbres et le stockage du carbone n’étaient absolument pas liés, même après avoir pris en compte l’effet du climat et du sol.

L’absence de relation entre la diversité des arbres et le stockage du carbone signifie que des stratégies comme REDD+ – qui ne promeuvent que la conservation des forêts contenant le plus de carbone – passeront à côté de certaines forêts à forte diversité.

Cela ne veut pas dire que la conservation axée sur le carbone n’est pas encore importante. Conserver les forêts pour leur carbone sera vital pour réduire la quantité de réchauffement de la planète, et des programmes comme REDD+ sont nécessaires pour y parvenir.

Mais nos résultats indiquent que la biodiversité doit être explicitement prise en compte lors de la planification des zones protégées, et pas seulement supposée bénéficier automatiquement de la conservation axée sur le carbone.

Les forêts tropicales africaines stockent plus de carbone que celles de l’Amazonie.

Caractéristiques uniques

Nos résultats contribuent également à mieux faire comprendre que les forêts pluviales africaines sont uniques. Par exemple, elles stockent plus de carbone que celles de l’Amazonie. En moyenne, un hectare de forêt tropicale africaine stocke 183 tonnes de carbone, contre 140 tonnes dans la même zone de forêt tropicale amazonienne – mais le font avec 170 arbres de moins par hectare.

Le carbone supplémentaire dans les forêts africaines provient du fait que les arbres sont plus grands ; le diamètre moyen d’un arbre dans une forêt tropicale africaine est 1,5 fois plus grand que celui d’un arbre en Amazonie. Les arbres des forêts tropicales africaines sont également plus hauts que leurs homologues amazoniens.

Les forêts africaines comptent également moins d’espèces d’arbres que les forêts tropicales des autres continents. Si vous deviez identifier 300 arbres dans une forêt africaine, vous trouveriez, en moyenne, 65 espèces, contre 109 espèces en Amazonie et 120 espèces en Asie du Sud-Est. Cette faible diversité peut être en partie un héritage du climat passé, les périodes sèches du passé ayant fait disparaître les espèces qui ont besoin de conditions humides tout au long de l’année.

Les forêts tropicales africaines restent des centres importants de biodiversité malgré le fait qu’elles comptent moins d’espèces d’arbres que les autres forêts tropicales. Les forêts doivent être protégées pour sauvegarder à la fois le nombre considérable d’espèces qui y vivent et les grandes quantités de carbone qu’elles stockent.

Nos résultats montrent qu’il n’est pas sûr de supposer que la protection de l’une d’entre elles protégera automatiquement l’autre. Au contraire, il faut tenir compte à la fois de la biodiversité et du carbone lorsqu’on planifie la manière de protéger les forêts tropicales d’Afrique.

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