Après 20 ans de pratique, j’ai constaté que l’un des problèmes les plus compliqués est le traitement de l’instabilité de l’articulation métatarsophalangienne (MPJ) inférieure. L’articulation métatarso-phalangienne est une articulation très compliquée, qui est reliée par des ligaments collatéraux et tirée par de multiples tendons externes et internes du pied. Tous ces éléments peuvent provoquer des tensions sur l’articulation et être sources de déformations et de douleurs.
Un problème courant provoquant une instabilité de la petite MPJ est une blessure de la plaque plantaire. Dans l’ensemble, il y a eu des progrès significatifs au fil des ans dans la réparation de la plaque plantaire, mais la correction des orteils en marteau avec une instabilité compliquée de la MPJ continue d’être un défi.
Principales considérations diagnostiques
Il est essentiel d’écouter attentivement les patients afin de comprendre leurs préoccupations et leurs besoins. Tous les patients n’ont pas besoin d’une intervention chirurgicale ou ne présentent pas une douleur nécessitant une réparation étendue. La plupart des patients sont plus préoccupés au départ par la douleur nouvelle et aggravée sous la tête métatarsienne. Ils remarquent parfois que leur orteil commence à se déplacer. Les patients souffrant de douleurs plus anciennes présentent souvent un déplacement plus important de l’orteil, voire un syndrome de l’orteil croisé (le plus souvent le deuxième orteil croisant le gros orteil). Dans l’ensemble, il est essentiel de comprendre ce à quoi le patient s’attend. Un orteil raide mais droit après une arthrodèse n’est peut-être pas ce dont le patient a besoin.
Le plus souvent, le patient veut être indolore et effectuer ses activités normales. Cependant, en plus des préoccupations concernant la douleur et la position des orteils, il faut poser des questions plus subtiles et spécifiques au patient. Le patient a-t-il des difficultés dans toutes les chaussures ou seulement dans un certain type de chaussures ? Quelles sont les activités préférées du patient et un orteil raide l’empêche-t-il de les pratiquer ? Ces questions aideront finalement à choisir le traitement.
L’examen physique doit également être assez détaillé. Lorsqu’un test du tiroir dorsal révèle une instabilité de l’orteil, c’est le signe que la plaque plantaire est laxiste ou partiellement déchirée. Cependant, nous devons obtenir plus d’informations pour établir notre plan de traitement. Y a-t-il un déséquilibre des tendons ? La faiblesse est-elle plus importante d’un côté de l’orteil que de l’autre, ce qui suggère une déchirure partielle de la plaque plantaire ? Quel est le niveau et la rigidité de la contracture digitale ? La tête métatarsienne est-elle très proéminente ? Enfin, existe-t-il une déformation de l’oignon, entraînant une surcharge de la deuxième MPJ ?
Diagnostiquement, les radiographies standard sont un bon début. Le but est de voir la position générale du pied et l’architecture osseuse. De plus, le metatarsus adductus et le niveau de déviation des orteils sont également des facteurs importants ainsi que la taille et l’étendue de toute déformation d’oignon présente.
Si une intervention chirurgicale est envisagée, l’obtention d’une étude d’imagerie par résonance magnétique (IRM) du pied peut aider le chirurgien à évaluer le niveau de déchirure de la plaque plantaire, à vérifier la présence d’un névrome et également à s’assurer que les surfaces articulaires ne sont pas gravement endommagées. Les lésions de la plaque plantaire peuvent être subtiles. Le chirurgien doit également interpréter l’IRM, et pas seulement le radiologue. Apprenez à connaître votre radiologue et expliquez-lui ce que vous recherchez, car le radiologue peut ne pas savoir ce que vous suspectez ou être aussi familier avec les subtilités de la plaque plantaire.
Evaluation des approches non chirurgicales des déchirures de la plaque plantaire
Sauf si le patient présente une déformation importante, il faut d’abord tenter une prise en charge non chirurgicale. En cas de douleur aiguë de moins de trois mois, les patients peuvent répondre à un cerclage plantaire de l’orteil et à l’utilisation d’une chaussure ou d’une botte rigide pour éviter les tensions. La physiothérapie et les stéroïdes oraux sont également des options. Je ne recommande pas l’utilisation d’une injection de stéroïdes, car cela peut causer des dommages supplémentaires et la rupture de la plaque plantaire.
Lorsqu’il s’agit de douleurs plus chroniques et non inflammatoires qui durent plus de trois mois, je préfère ajouter une injection de plasma riche en plaquettes (PRP) ou d’amnios dans la région pour augmenter le potentiel de guérison. Anecdotiquement, j’ai constaté que cette méthode était efficace dans les premiers cas. Les cliniciens doivent faire comprendre aux patients que le cerclage, l’utilisation d’une botte ou les traitements par injection ne corrigeront pas la position des orteils. Encore une fois, c’est pourquoi il est essentiel de comprendre les besoins et les attentes du patient.
Pour de nombreux patients âgés ou sédentaires, il est impossible de rentrer dans des chaussures en raison d’une contracture sévère des orteils. Le cerclage seul peut améliorer cette situation. Pour les patients de cette population qui ont un oignon sévère et un troisième orteil dévié médialement avec un deuxième orteil disloqué, on peut envisager une amputation du deuxième orteil.
Évaluer les options chirurgicales actuelles pour la réparation de la plaque plantaire et de l’orteil en marteau
Comme je l’ai noté ci-dessus, il y a eu des avancées significatives dans la réparation chirurgicale de la plaque plantaire. La question est de savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. J’ai de l’expérience avec de nombreux systèmes, des approches plantaires et dorsales, toutes avec ou sans ostéotomie ou correction de l’orteil en marteau.
La contracture de l’orteil en marteau est une force déformante importante. La correction de l’orteil en marteau augmente la force plantaire des tendons fléchisseurs et aide à la relocalisation de l’orteil. S’il existe une contracture dorsale sévère, un allongement des extenseurs peut aider à relâcher la tension dorsale. Il est important de se rappeler que si l’orteil est également dévié médialement, il ne faut pas le négliger pendant la correction de l’orteil en marteau. Lors de mes interventions, je préfère préserver la longueur de l’articulation interphalangienne proximale (IPPJ) et ne pas utiliser de scie. J’utilise principalement une technique de coupe et de cône avec une rongeuse, et j’arrondis ensuite avec une fraise. J’essaie également de garder l’articulation assez serrée tout en maintenant la réductibilité au niveau de l’IPPJ afin qu’il y ait moins de gapping lors de la réduction finale.
Mon implant préféré est le Hammertoe Fixation System (Ossio), qui est fabriqué à partir d’un matériau en fibre naturelle qui s’incorpore facilement à l’os. Il n’y a pas d’absorption et le matériau a une qualité collante, ce qui empêche les os de se séparer. Il est également ajustable, ce qui permet de réduire la longueur si la phalange intermédiaire est plus petite. Les chirurgiens peuvent également couper cet implant en cas de révision ou de conversion en arthroplastie. L’implant peut également passer une IRM sans signal. Je n’utilise plus de métal dans mes orteils en marteau car il est principalement intramédullaire et très difficile à retirer sans endommager gravement l’orteil.
Paroles utiles pour évaluer et traiter la déformation et la luxation de la MPJ
Lorsque l’on corrige la MPJ, il faut tenir compte de la stabilité de l’articulation, de l’importance de la déviation médiale, des déchirures partielles ou complètes de la plaque plantaire et du temps écoulé depuis la luxation complète. L’IRM et l’examen doivent aider à la prise de décision.
Je divise mes cas en luxations légères, modérées et sévères. Une luxation légère est une articulation quelque peu instable avec un très léger déplacement médial de l’orteil et très peu de contraction dorsale. Un cas modéré est un cas avec une articulation assez laxe lors du test du tiroir dorsal et une déviation médiale suffisante pour que le gros orteil et le deuxième orteil se touchent ou se chevauchent légèrement. Un cas sévère présente une déviation médiale importante avec un chevauchement du deuxième orteil ou une déchirure complète de la plaque plantaire et une luxation au niveau de la MPJ. Chacune de ces catégories a un certain chevauchement, alors soyez prêt à traiter et à classer de manière fluide.
Une ostéotomie métatarsienne et un éventuel allongement des extenseurs sont souvent applicables dans les cas légers. J’essaie d’éviter une ténotomie car le transfert de la contrainte sur les autres doigts peut entraîner leur contraction avec le temps. Je trouve que l’allongement des extenseurs est de loin préférable. La plus grande perle pour mes ostéotomies métatarsiennes est de décaler le métatarsien médialement et de décaler l’orteil latéralement, un peu comme pour une correction d’oignon. Il m’arrive parfois d’imbriquer la capsule latérale et le ligament collatéral dans les cas bénins. Dans ces cas, la déchirure de la plaque plantaire est très minime et je ne trouve donc pas nécessaire de la réparer. Elle va guérir pendant la période post-chirurgicale et il y a moins de raideur de l’articulation sans réparation.
Les cas modérés nécessitent une réparation de la plaque plantaire. La réalisation d’une ostéotomie métatarsienne déplace le métatarsien médialement pour aider au repositionnement de l’orteil. Il faut examiner et réparer la plaque plantaire avant de réparer le métatarsien. La majorité des déchirures de la plaque plantaire sont latérales ou centre-latérales. Je ne libère pas la totalité de la plaque plantaire car je trouve que cela entraîne une grande quantité de tissu cicatriciel. Je préfère libérer la plaque plantaire latérale dans la région de la déchirure, retirer un coin triangulaire, puis utiliser l’un des systèmes de réparation de la plaque plantaire.
Mon système de choix actuellement est le système de réparation du petit orteil Hat-Trick (Smith & Nephew). J’utilise le système de réparation complet et je passe deux sutures, une sur le côté médial du site de réparation et une sur le bord latéral. Je fais passer ces deux sutures par un ou deux trous, et je les maintiens en place avec une fixation interférentielle en PEEK. Le plus souvent, j’utilise un seul trou du côté latéral au côté médial et je fais passer les sutures dans ce trou avec une broche d’interférence pour stabiliser l’articulation. Le système Hat-Trick me permet de mieux corriger la déviation médiale et de réduire les cicatrices. Il est très rare que j’effectue un transfert de tendon fléchisseur pour un cas modéré mais je suggère d’être à l’aise avec cela en cas de mauvaise qualité de la plaque plantaire ou si des dommages sont apparents pendant la réparation.
Un cas sévère présente soit une grande déviation médiale, soit une dislocation. Dans ces cas, je trouve que la plaque plantaire est soit de très mauvaise qualité, soit inexistante. Pour ces patients, je réalise désormais un transfert de tendon fléchisseur car je le trouve bien plus reproductible et réussi à stabiliser un déplacement articulaire sévère. Je prélève le tendon du fléchisseur au niveau de l’IPPJ avant de réaliser l’arthrodèse de l’orteil en marteau. On divise ensuite le tendon et on le tire médialement et latéralement le long de la phalange proximale jusqu’à la base de l’orteil de chaque côté. Le chirurgien doit placer le tendon directement contre l’os afin d’éviter tout dommage neurovasculaire avant de le tendre et de placer un seul point de suture temporaire pour le maintenir.
On positionne et stabilise ensuite le métatarsien dans la région de l’ostéotomie. En maintenant l’orteil en position, le chirurgien croise les extrémités du tendon l’une sur l’autre et ajuste la tension de chaque côté jusqu’à ce que l’orteil soit stable et bien positionné au niveau de la MPJ. J’utilise une aiguille conique 3-0 pour placer trois points de suture en double passage dans le tendon afin de le stabiliser. Ensuite, je noue l’extrémité située sur le côté latéral de l’orteil à la capsule latérale de l’articulation du genou pour une stabilité supplémentaire et un réglage fin de la correction de l’orteil croisé. Je n’utilise pas de fil de fer en K à travers la MPJ et je préfère attacher l’orteil avec des pansements pour le stabiliser. Vous pouvez demander au patient de commencer l’amplitude de mouvement de la MPJ à la deuxième ou troisième semaine pour prévenir la formation de cicatrices et la raideur articulaire.
Une ostéotomie métatarsienne est généralement, voire toujours, nécessaire, tout comme la correction de l’orteil en marteau et l’allongement du tendon extenseur. On peut employer des cerclages et des pansements pour faciliter la stabilisation jusqu’au retrait des sutures. Après le retrait des sutures, une sangle d’orteil devrait suffire. J’aime l’attelle d’alignement des orteils Darco TAS (Darco) car elle est très solide, peut également intégrer une attelle d’oignon et possède une bande élastique autour du médio-pied qui diminue l’œdème. Cependant, toute attelle qui empêche la dorsiflexion des orteils est acceptable.
Ce qu’il faut savoir pour éviter la raideur postopératoire et l’orteil flottant
Environ 20 % des patients auront encore un orteil flottant trois à six mois après l’opération et devront subir une ténotomie et une capsulotomie de la MPJ en cabinet pour réduire la cicatrice dorsale et la contracture. Ces procédures se sont avérées être de très bons adjuvants chez mes patients.
Je trouve que les transferts de tendons fléchisseurs entraînent rarement un orteil flottant mais il y a un peu plus de raideur. Comme je l’ai noté ci-dessus, on peut demander aux patients d’initier une amplitude de mouvement douce et stabilisée de la MPJ avec la pratique de la force de préhension de la MPJ. L’amplitude des mouvements peut être plus agressive par paliers hebdomadaires, la physiothérapie étant fortement recommandée. L’enveloppement de l’orteil avec un bandage Coban pendant deux à trois mois est essentiel pour éviter le gonflement. Un enveloppement Coban pour le médio-pied est utile mais beaucoup moins important que pour l’orteil.
En conclusion
Une bonne planification et une solide compréhension des différentes options chirurgicales feront des réparations de la plaque plantaire et de l’orteil en marteau des traitements gratifiants et assez reproductibles pour les patients. Bien que la réparation de la plaque plantaire puisse être difficile, il est important que le chirurgien ait une maîtrise complète des options, car une seule procédure ne convient pas à tous les cas de patients.
Le Dr Baravarian est professeur adjoint de clinique à la faculté de médecine de l’UCLA. Il est le directeur et le directeur du Fellowship de l’Institut universitaire du pied et de la cheville de Los Angeles (https://www.footankleinstitute.com/podiatrist/dr-bob-baravarian).
Le Dr Baravarian a révélé qu’il était consultant pour CrossRoads Extremity Systems et OSSIO.