Un autre exemple est celui des deux conventions de Vienne sur le droit des traités en 1969 et 1986. Entre autres, il y a deux conventions de Vienne sur la succession d’États, l’une de 1978 sur la succession d’États en matière de traités, et l’autre de 1983 sur la succession d’États en matière de dettes, d’archives et de biens.
Une succession d’États a lieu chaque fois qu’un territoire passe d’un État à un autre, lorsqu’un territoire passe d’un État A à un État B, toute une série de questions juridiques doivent être résolues, notamment pour savoir si les traités applicables avant continuent à l’être, également en matière de biens, d’archives, etc. Il y a aussi la Convention de New York de 1961 sur l’élimination et la réduction des cas d’apatridie.
Actuellement, la Commission prépare moins de traités, fait des documents dans lesquels elle propose des articles sur la responsabilité des États comme en 2001 ou sur la responsabilité des organisations internationales ; la raison est que les États sont beaucoup moins disposés qu’avant à adopter des conventions. On laisse cela dans la soft law.
Il ne faut pas ignorer que les organisations internationales à travers leurs différents organes où les Etats sont représentés adoptent des résolutions ; le terme résolution est neutre, il peut s’agir de recommandations ou de décisions.
Le terme résolution est donc un terme générique.
La recommandation consiste à développer des principes, des règles, des lignes directrices ou des solutions quelconques, il n’y a pas d’obligations juridiques, mais simplement une présentation de quelques éléments de solution que l’on conjure comme favorables en suggérant aux Etats de les suivre et de les appliquer.
La décision se fonde sur un but précis et prend des mesures contraignantes, on décide de mettre en place un budget, une opération de maintien de la paix, etc.
Ceci explique pourquoi la grande majorité des résolutions n’ont pas d’importance internationale, mais chacune pose un problème international, car chacune se fonde sur l’acte constitutif d’une organisation, chaque acte que prend une organisation doit se fonder sur une attribution de pouvoir, il y a toujours une question juridique.
Pour autant, il y a un nombre très limité de résolutions qui sont fondamentalement normatives et qui concernent le droit international public qu’il s’efforce de développer dans un domaine donné ou qui fixe des normes.
Tout d’abord, il y a une résolution célèbre, elle est justement célèbre, c’est la déclaration universelle des droits de l’homme ; Cette déclaration universelle des droits de l’homme, qui est le premier texte international en la matière, est une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies de 1948, la résolution 217 de l’Assemblée générale des Nations unies, c’est une recommandation, c’est un texte qui au départ n’avait pas de valeur juridique contraignante, l’Assemblée générale s’est permis de rappeler aux États les principes d’après la Seconde Guerre mondiale afin de moraliser les relations internationales et concernait la manière dont un État traite ses propres ressortissants sur son propre territoire et les ressortissants étrangers.
Il ne faut pas nier que cette résolution a eu un impact important sur le droit international tant d’un point de vue conventionnel que coutumier ; d’un point de vue conventionnel, les pactes de 1966 développent la résolution de 1948 et, tout aussi important d’un point de vue du droit coutumier, cette résolution n’a pas été cruciale, puisque les principes énoncés dans la résolution 217 reflètent désormais le droit international coutumier en matière de droits de l’homme.
En 1948, il ne s’agissait que d’une simple recommandation, mais aujourd’hui ces principes ont été adoptés et sont considérés comme coutumiers.
La résolution 1514 de 1960, qui doit être lue conjointement avec la résolution 1541 de la même année, traite de la décolonisation, si on regarde dans la Charte des Nations unies, on ne trouve rien sur la décolonisation puisqu’en 1945, le moment n’était pas propice à la décolonisation, non pas que tous les États n’y étaient pas favorables, mais des États puissants s’y opposaient, comme la France et le Royaume-Uni, si bien que si on regarde dans la Charte, on trouve un chapitre sur les territoires non autonomes pour les colonies de l’époque.
La Charte, par essence, dans ses dispositions, organise le colonialisme, elle établit certaines obligations des puissances coloniales, mais » molles » ; en se basant sur la pratique des Nations unies, elle a transformé la portée de ces dispositions, dans la résolution 1514 nous avons le plein droit à la décolonisation, l’Organisation des Nations unies se fixe comme objectif d’organiser la décolonisation.
C’est une innovation très considérable et contraire à la lettre de la Charte, mais c’est l’évolution de la Charte à travers une résolution sur le droit international parce qu’affirmer qu’il y a le droit à l’indépendance et y compris la sécession concerne la base territoriale, ce qui est une question politique, mais aussi le droit.
La résolution 2625 de 1970 est une sorte de produit de travail des années 1960 sur la coexistence pacifique, en 1962 suite à un rapprochement entre l’URSS et les Nations unies il y a un dégel des relations internationales.
Cette résolution est le résultat de ce travail, c’est en fait une interprétation authentique de l’article 2 de la Charte des Nations unies, qui est une disposition fondamentale puisqu’elle pose les principes de la Charte, mais aussi du droit international moderne.
Quand on lit l’article 2 de la Charte, on s’aperçoit très vite que les formules et les déclarations sont forcément très bonnes, quand on statut sur des principes, on pose des lignes directrices. Mais il y a toute une série de questions d’interprétation qui se posent.
Il s’agit, par exemple, de savoir exactement ce que signifie « la force », le non-recours à la force, ce qui peut impliquer des questions de frontières, de lignes d’armistice, etc. La résolution 2625 éclaire et interprète plus en détail ces principes pour qu’on puisse les interpréter plus facilement afin d’en déterminer le sens normatif, et elle développe aussi des principes importants qui ont été développés depuis 1945, comme par exemple l’autodétermination des peuples ou le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
La résolution de 1963 numérotée 1962 est celle qui énonce les principes relatifs à l’espace. En 1957, il y a eu le choc du Spoutnik, puis l’espace est devenu accessible à l’humanité.
Dès lors que l’on a pu y aller, des questions juridiques se sont posées, pouvait-on s’approprier l’espace, pouvait-on armer l’espace, pouvait-on placer des armes de destruction massive, pouvait-on s’approprier la lune, etc. Il fallait poser des principes, comme l’Assemblée l’a fait dans cette résolution qui a conduit au traité de l’espace extra-atmosphérique de 1967, on voit très facilement l’impact normatif de cette résolution.
La résolution 3314 de 1974, c’est encore l’Assemblée générale des Nations unies qui vise à déterminer ce qu’est l’agression, la Charte elle-même fait référence à l’agression armée, par exemple dans les articles 51 et 39 de la Charte. La définition de 1974 est l’aboutissement du travail commencé dans les années 1920 par la Société des Nations, une question très difficile à répondre.
La résolution 2749 est une résolution de 1970 sur les grands fonds marins, il y a le sol et le sous-sol de la haute mer, le sol et le sous-sol de la haute mer contiennent des ressources importantes, le sol contient des ressources halieutiques et le sous-sol contient toute une série de métaux.
Il y avait des intérêts économiques qui pouvaient attirer les États, la crainte était que les États plus avancés technologiquement s’approprient les terres de la haute mer par des interprétations extensives.
La question était de savoir jusqu’où va le plateau continental, si le plateau continental était poussé toujours plus loin, la crainte était que les États technologiquement avancés empiètent sur leur avantage particulier.
La résolution 2749 affirme que le sol et le sous-sol de la haute mer sont un patrimoine de l’humanité et ne peuvent pas être appropriés.
Ce sont des résolutions normatives de grande importance qui ont fixé le droit et contribué au développement du droit dans leurs domaines respectifs.
La troisième fonction législative est la fonction normative du Conseil de sécurité ; le Conseil de sécurité peut adopter des résolutions contraignantes, c’est-à-dire des décisions en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies.
Lorsque le Conseil de sécurité a été créé, il n’était pas prévu que le Conseil de sécurité légifère, mais plutôt qu’il prenne des mesures de police.
Il se trouve que ces dernières années, notamment dans les années 2000, le Conseil de sécurité a commencé à adopter des règlements comme, par exemple, des règlements antiterroristes qui intègrent des régimes conventionnels.
Par exemple, la résolution 1373 du Conseil de sécurité contient toute une série de règles que le Conseil de sécurité enjoint aux États d’adopter et d’appliquer pour lutter contre le terrorisme, et en particulier ces règles concernent les flux financiers, l’objectif étant de faire en sorte que les organisations terroristes ne puissent plus financer leurs activités.
Cette résolution reprend en grande partie le contenu de la Convention de 1999 sur la lutte contre le financement du terrorisme. Cette résolution reprend ce qui est dans la convention de 1999.
C’est intéressant d’un point de vue juridique car cela signifie que ce qui était dans une convention a été repris par le Conseil de sécurité dans une résolution du chapitre VII de la Charte et devient contraignant pour tous les États membres de l’ONU.
Nous ne voyons pas un organe moins bien armé que le Conseil de sécurité, nous avons voulu que le pouvoir soit représenté pour qu’il puisse agir avec crédibilité, alors que lorsque nous légiférons, il faut que tout le monde soit consulté, mais le Conseil de sécurité peut adopter des résolutions efficaces.
Le Conseil de sécurité a plus d’une fois au cours de la dernière décennie franchi la ligne vers la législation internationale, jusqu’à présent il l’a fait dans un domaine où les États membres l’ont suivi, il n’y a pas eu d’objections de principe à ces résolutions, les objections sont venues sur les sanctions, mais pas contre le principe même que le Conseil de sécurité élabore de telles règles.
Il y a des fonctions normatives dans l’organisation internationale, quand le Conseil les adopte et les rend contraignantes, l’impact sur le système international est important parce qu’en principe elles ont priorité sur les règles contenues dans d’autres conventions.
Spécificité des traités instituant les organisations internationales
Il existe des spécificités des traités institutionnels, on peut en identifier trois :
- l’interprétation
- la modification
- la hiérarchie.
Interprétation
On dira relativement souvent que les traités institutionnels s’interprètent selon des méthodes particulières, et une partie de la doctrine expliquera que ces traités institutionnels sont des espèces de constitutions et que, par conséquent, l’interprétation s’oriente vers des méthodes constitutionnelles.
En regardant la pratique, on se rend compte que les traités institutionnels sont soumis aux mêmes règles d’interprétation que tout autre traité.
Ces règles sont des règles souples, les règles d’interrelation contenues dans les articles 31, 32 et 33 de la Convention de Vienne de 1969 sont des règles qui s’accordent sur une certaine pondération, on n’allait pas vers des règles différentes, on ne peut pas dire qu’il y a des traités interprétés comme des constitutions si cela pouvait être pris pour des règles particulières.
En revanche, les pondérations sont parfois différentes selon la nature du traité.
Par exemple, il n’est pas rare de mettre en avant l’interprétation téléologique pour les conventions institutionnelles parce que les organisations internationales sont fondamentalement des entreprises finalistes, on cherche à coopérer sur un objet finalisé, quand on cherche un but commun, ce but commun a un poids un peu plus élevé dans une interprétation. Il en est de même pour les chartes d’associations en droit privé.
Souvent il y a des interprétations fonctionnelles dans le cadre des traités institutionnels, c’est un argument que l’on retrouve avec une fréquence particulière dans les traités institutionnels, il n’est pas aussi fortement représenté dans d’autres contextes.
L’interprétation dynamique est plus souvent adoptée dans les traités institutionnels que dans d’autres traités comme les traités bilatéraux.
L’interprétation dynamique signifie que nous essayons de lire les termes non pas dans le sens qu’ils pouvaient avoir au moment où le traité a été adopté pour la Charte, par exemple en 1945 lorsque le législateur a écrit le texte, mais nous essayons de voir quel sens les mots peuvent avoir dans la société d’aujourd’hui, c’est une interprétation évolutive ou dynamique.
Dans les traités institutionnels, il est entendu que l’interprétation dynamique est souvent préférée, car l’organisation doit fonctionner aujourd’hui. C’est pourquoi les travaux préparatoires sont également plus souvent marginalisés qu’ailleurs.
Dans un traité bilatéral, il ne sera pas rare que l’opération utilise les travaux préparatoires pour découvrir ce que les parties voulaient, lors de l’interprétation des traités institutionnels, on retrouve une certaine distance, selon le juge Alvarez, le traité institutionnel est comme un navire.
Enfin, il y a une tendance marquée à prendre en compte la pratique des organes dans l’interprétation des textes. Ce n’est pas très spécifique à ces traités, la pratique ultérieure compte toujours, mais ce qui est intéressant dans les traités institutionnels, c’est qu’il n’y a pas seulement la pratique ultérieure des États membres, mais aussi la pratique ultérieure des organes des organisations.
Il faut aussi considérer l’article 27.3 de la Charte concernant le vote affirmatif et le veto, une pratique ultérieure du Conseil de sécurité et de ses membres. La pratique de cet organe a eu du poids pour déterminer ce que l’on entend par » vote affirmatif » dans l’article 27.3.
Dans l’interprétation il y a différentes méthodes, il y a le cas du Comité IMCO de 1960 où la Cour interprète de manière restrictive, mais on note plutôt l’utilisation de ces méthodes énoncées précédemment, c’est un trait distinctif dans l’interprétation.
Nous avons parlé de l’interprétation, mais il faut dire quelques mots sur la modification des traités.
Modification
Les règles générales de modification des traités sont strictes et difficiles à mettre en œuvre, la raison étant qu’un traité conclu entre X États ne peut être modifié que par un accord entre les X États, un traité accorde des droits et impose des obligations, lorsqu’un État ou un sujet se voit accorder des droits on ne peut pas les supprimer unilatéralement sinon ce ne serait plus des droits.
Le traité est très rigide, on peut explorer des modifications, mais si on n’est pas d’accord il y a des problèmes.
L’alternative en droit international général est de conclure un traité limité, c’est possible si ce n’est pas contraire à l’objet et au but du traité de conclure un traité sans certaines parties, mais vis-à-vis des autres on est lié par l’ensemble, le seul résultat est de fragmenter le régime conventionnel.
C’est parfois laborieux, ainsi pour les traités institutionnels même si on veut avoir un tel régime, cela ne fonctionne pas car on ne peut pas avoir le fonctionnement d’une organisation internationale à géométrie variable.
C’est pour cela que toutes ces organisations internationales ont des règles spéciales sur la modification des traités institutionnels, c’est une matière qui a une règle spéciale lex.
La modification de la Charte est prévue aux articles 108 et 109 de cet instrument, la différence entre ces deux dispositions n’est plus significative aujourd’hui. Les 108 sont les amendements à la Charte et 109 la révision globale de la Charte.
L’article 108 est celui des amendements ponctuels, il y a eu trois amendements à la Charte sur la base de l’article 108. Les deux concernaient la modification du nombre d’États siégeant dans certains organes.
Si on regarde les règles de ces amendements, ce sont les mêmes dans les articles 108 et 109, sauf que dans le 109 il y a une assemblée constituante, l’amendement, quel qu’il soit, doit être voté à l’assemblée générale par les deux tiers des membres et ensuite ratifié par les deux tiers des membres de l’organisation ; les deux tiers doivent voter l’amendement et ensuite les deux tiers ratifient l’amendement.
Il y a la règle que dans les deux tiers qui votent et ratifient l’amendement, il doit y avoir les cinq membres permanents.
Il est évidemment très difficile de réaliser ces conditions, non seulement parce que les deux tiers et relativement massifs et qu’il faut beaucoup de temps pour que X États ratifient cela.
Pour des réformes autres que purement numériques, ce serait plus difficile à réaliser.
Ces règles facilitent la modification parce qu’en droit international général, il aurait fallu que tous les États modifient les traités et dans la Charte, seuls les deux tiers des États sont nécessaires ; lorsque la modification est donc adoptée par les deux tiers dont les cinq. Lorsque cette modification est adoptée, elle s’applique à tous les membres des Nations unies, y compris ceux qui ont voté contre, précisément parce que le fonctionnement institutionnel exige des règles uniques.
Il a été convenu à la conférence de San Francisco que les États piégés auraient la possibilité de quitter l’organisation afin de ne pas être soumis à la modification qu’ils désapprouvent.
Les amendements formels sont facilités dans les instruments des organisations internationales par rapport au droit international général, il suffit d’un certain nombre d’États pour avoir un amendement qui s’impose à tous, alors qu’en droit international général pour avoir un amendement qui s’impose à tous, il faut tous les États.
Il n’y a pas que des changements formels, les chartes institutionnelles des organisations internationales sont des instruments vivants car elles doivent s’adapter à la vie des organisations, les instruments des organisations internationales évoluent souvent à travers des instruments informels.
Du point de vue des changements formels, il y a des règles particulières et il y a une tendance aux changements informels, les traités institutionnels ressemblent ici à des constitutions.
Hiérarchie
Enfin, les traités des organisations internationales et plus généralement les organisations internationales reposent sur une hiérarchie des sources ; le traité constitutif des organisations est au sommet des sources au sein des organisations, il est le texte juridique fondateur et supérieur aux autres sources de l’organisation.
Supérieur signifie qu’une résolution est adoptée en vertu du traité constitutif, elle doit donc être conforme au traité constitutif.
Le traité est au sommet parce qu’il est l’expression de la volonté des États membres qui sont le législateur suprême ; le traité constitutif par lequel les États expriment leur volonté est la règle suprême.
Traités et coutumes sont généralement placés sur un pied d’égalité, ni le traité ni la coutume ne sont supérieurs à l’un ou à l’autre.
Les traités et les coutumes sont généralement placés sur un pied d’égalité, ni le traité ni la coutume ne sont supérieurs à l’un ou à l’autre.
Les traités et les coutumes sont généralement placés sur un pied d’égalité.