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Qu’est-ce qui rend la rue de Paris jour de pluie de Gustave Caillebotte si spéciale?

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On a beaucoup écrit sur l’importance du Paris du XIXe siècle en tant que grande capitale culturelle mondiale, et les pratiques des artistes français de cette époque sont directement affiliées à la ville elle-même. Bien que les impressionnistes aient cherché un environnement calme et plus naturel pour exprimer leur fascination pour la lumière, d’autres, comme Gustave Caillebotte, ont cherché leur inspiration au cœur de la vie urbaine.

Ce maître particulier est en quelque sorte éclipsé par ses contemporains, même s’il a appartenu au cercle impressionniste et a été leur mécène et un collectionneur. Caillebotte a pratiqué un style plus réaliste que celui de ses pairs, s’est entiché de la photographie et, dans la dernière phase de sa carrière, le peintre prolifique a été influencé par le pointillisme.

Son tableau le plus connu réalisé en 1877 et intitulé Rue de Paris ; jour de pluie incarne le paradigme moderne. Il s’agit d’une représentation d’individus pressés traversant La Place de Dublin, un site spécifique situé à une intersection à l’est de la Gare Saint-Lazare dans le nord de Paris. Bien qu’il soit considéré comme une œuvre impressionniste, ce chef-d’œuvre est légèrement différent pour son réalisme apparent et sa linéarité plutôt que de larges coups de pinceau.

Gustave Caillebotte - Esquisse pour la rue de Paris jour de pluie
Gustave Caillebotte – Esquisse pour la rue de Paris jour de pluie, 1877

La rue de Paris ; Scène de jour de pluie

Au premier plan de la rue de Paris ; Jour de pluie de Caillebotte se trouvent deux personnages habillés selon la dernière vogue parisienne portée par la bourgeoisie – la femme porte un chapeau, un voile, des boucles d’oreilles en diamant et une robe brune sophistiquée, ainsi qu’un manteau doublé de fourrure, tandis que l’homme est un véritable gentleman en pardessus, chapeau haut de forme, nœud papillon, chemise blanche amidonnée, gilet boutonné et long manteau ouvert au col relevé, et avec une inévitable moustache. Les autres personnages à l’arrière-plan appartiennent à la classe ouvrière : une femme de chambre dans l’embrasure d’une porte et le décorateur portant une échelle, tandis que la majorité des personnages tiennent des parapluies.

Caillebotte a pris en compte les différences de classe entre les Parisiens du XIXe siècle et les a présentées de manière ludique d’une scène urbaine quotidienne. Il semble que cet aspect de classe ait été si important pour le peintre, comme une atmosphère froide et distante, voire macabre dans une certaine mesure. Les expressions des protagonistes semblent sombres, et ils sont pressés. Le temps froid et la pluie (comme le suggère le titre) contribuent largement au sentiment d’aliénation et de remords.

On peut dire que le tableau est photoréaliste, ce qui est lié à l’intérêt apparent de Caillebotte pour la photographie. Les personnages de premier plan ont l’air d’être flous, tandis que ceux situés à mi-distance (la calèche et les piétons dans le carrefour) sont plutôt nets ; les traits de l’arrière-plan deviennent progressivement flous également. À l’influence de la photographie s’ajoute le recadrage de certaines figures. Caillebotte reproduit l’effet de l’objectif d’un appareil photo dans la mesure où les points au centre de l’image semblent se gonfler. L’effet de mise au point de l’appareil photo est recréé de sorte que certains sujets sont accentués mais pas d’autres. Le même principe a été utilisé pour obtenir la clarté générale de la composition. Ce qui est en effet intéressant, c’est que les personnages semblent comme s’ils venaient d’entrer dans le tableau, comme si le peintre avait pris un instantané de personnes passant par là (en réalité, Caillebotte a probablement passé des mois à observer et à planifier soigneusement la composition).

Gustave Caillebotte – Rue de Paris ; Jour de pluie. Art Institute of Chicago

L’emplacement du tableau

La structure dominante de Rue de Paris ; Jour de pluie est l’immeuble Place de Dublin présenté depuis le côté est de la rue de Turin. Il s’agit d’un quartier parisien nouvellement construit (cette zone a commencé à se développer à cette époque comme un centre résidentiel pour la bourgeoisie tentaculaire), faisant partie du grandiose projet de rénovation urbaine qui s’est déroulé entre 1809 et 1891, dirigé par le baron Haussmann. Cela indique également à quel point cette peinture était nouvelle à l’époque, puisqu’elle montrait une image entièrement nouvelle d’une ville moderne.

Trois rues sont incluses dans l’image (le côté nord de la place) : la rue de Moscou (à gauche), la rue Clapeyron (au centre) et la rue de Turin (à droite). La rue de Saint-Pétersbourg traverse la place, ce qui est suggéré par la ligne des bâtiments à gauche et une rupture dans les bâtiments à droite. La curiosité est que le tableau comporte l’enseigne  » pharmacie  » au rez-de-chaussée de l’immeuble entre la rue de Moscou et la rue Clapeyron, où l’on trouve encore aujourd’hui une pharmacie.

Place de Dublin Paris mai 2010
Place de Dublin, Paris, mai 2010

La signification de la rue de Paris ; Jour de pluie

Peu après la première exposition publique du tableau à la troisième exposition impressionniste de 1877, l’écrivain et fervent adepte des impressionnistes Émile Zola salue la Rue de Paris ; Jour de pluie (bien qu’il ne soit pas un grand fan de l’œuvre de Caillebotte) dans un article  » Notes parisiennes : Une exposition : les peintres impressionnistes » publié dans Le Sémaphore de Marseille la même année.

Plusieurs tableaux de Caillebotte sont restés dans la famille après sa mort en 1894 ainsi que Paris Street ; Rainy Day jusqu’à ce qu’il soit acquis par Walter P. Chrysler Jr. en 1955, qui l’a ensuite vendu en 1964 à l’Art Institute of Chicago où il est toujours détenu dans la collection. Gloria Groom, la conservatrice de l’AIC, l’a décrit comme la grande image de la vie urbaine à la fin du 19e siècle.

Paris Street ; Rainy Day reste une œuvre d’art captivante et puissante qui reflète la grande habileté de l’artiste, mais aussi l’innovation conceptuelle. En raison du fait qu’il représente effectivement une scène urbaine qui révèle un ensemble d’implications sociales concernant la classe et l’urbanisation, le tableau peut être interprété comme un tableau engagé ; une image qui articule la modernité avec l’ambiguïté dominante tout en la représentant de la manière la plus simple possible.

Gustave Gaillebotte, 1877. Art Institute of Chicago French Paintings Caillebotte Conseil de la rédaction : Gustave Caillebotte : The Painter’s Eye

Le livre présente cinquante des tableaux les plus forts de Caillebotte, notamment des images post-conservation de la rue de Paris ; Rainy Day (Art Institute of Chicago), ainsi que The Floorscrapers et Pont de l’Europe, qui datent tous d’une période particulièrement fertile entre 1875 et 1882. On reprochait à l’époque à l’artiste d’être trop réaliste et pas assez impressionniste, mais il a été un pionnier en adoptant la perspective angulaire d’un appareil photo moderne pour composer ses scènes. L’habileté et l’originalité de Caillebotte sont évidentes même dans les reproductions du livre, et les essais offrent des aperçus critiques sur son inspiration et ses sujets.

Image vedette : Gustave Caillebotte – Rue de Paris ; jour de pluie, 1877. 212,2 × 276,2 centimètres (83,5 × 108,7 in), Art Institute of Chicago. Toutes les images creative commons.

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