Message principal
Les sulfamides sont couramment utilisés en soins primaires. Bien que le triméthoprime-sulfaméthoxazole et les autres associations sulfamides-antibiotiques soient particulièrement utilisés (les sulfamides ont été les premiers antibiotiques jamais introduits en 1936), cette classe de médicaments comprend également de nombreux agents non antibiotiques. Le tableau 1 énumère les médicaments les plus courants contenant un fragment de sulfate (SO2NH2) au Canada. Plusieurs de ces médicaments sont rarement considérés comme des sulfamides.
Tableau 1
Médicaments sulfamides non antibiotiques couramment utilisés et disponibles au Canada
Les réactions indésirables aux antibiotiques sulfamides sont relativement fréquentes par rapport à de telles réactions à d’autres agents antimicrobiens. On estime que les effets indésirables surviennent dans 3 % des traitements,1 mais seulement 3 % d’entre eux sont en fait une véritable hypersensibilité.2 Malheureusement, les réactions d’hypersensibilité aux sulfamides peuvent être graves et même mettre la vie en danger. Elles comprennent des réactions anaphylactiques immédiates, médiées par les immunoglobulines E, et des réactions dermatologiques florides, comme le syndrome de Stevens-Johnson. Les réactions d’hypersensibilité sont plus souvent caractérisées par de la fièvre ou une éruption maculopapulaire qui se développe 7 à 14 jours après l’initiation de l’agent incriminé.2 Il n’existe pas de test cutané fiable pour exclure ou confirmer une allergie aux sulfamides.
Il existe des différences chimiques importantes entre les sulfamides et les nonantibiotiques. La plupart des auteurs s’accordent à dire que les non-antibiotiques sont moins susceptibles de provoquer des réactions graves, et que les différences chimiques entre les antibiotiques sulfa et les non-antibiotiques rendent une véritable réactivité croisée extrêmement improbable.1-3 Il n’existe dans la littérature qu’un seul rapport de cas d’anaphylaxie causée par le furosémide4 ; les auteurs n’ont pas pu prouver de manière concluante que l’allergène était en fait chimiquement lié à la fraction sulfa5.
Peut-être que la preuve la plus rassurante provient de Strom et al,1 qui ont élégamment transformé la base de données de recherche sur les pratiques générales du Royaume-Uni en une étude de cohorte rétrospective (preuve de niveau II) pour montrer que l’administration de nonantibiotiques sulfamides à des patients ayant des antécédents d’allergie aux sulfamides (antibiotiques) comporte peu de risque de réactivité croisée. Les auteurs ont examiné les dossiers de 969 patients qui avaient eu des réactions allergiques aux antibiotiques sulfonamides et de 19 257 patients qui n’en avaient pas eu. Tous ces patients ont ensuite reçu des sulfamides non antibiotiques. Dans le cadre de cette étude, la définition du terme « allergie » était très large et incluait le développement d’un eczéma et de divers effets indésirables non spécifiés dans le mois complet suivant la prise du médicament en question, ce qui rend peu probable le biais de sous-déclaration. Bien que Strom et ses collègues aient constaté que les patients allergiques aux antibiotiques sulfonamides étaient plus susceptibles que les patients non allergiques de réagir aux non-antibiotiques sulfonamides (9,9 % contre 1,1 %), ils ont également constaté que le taux de réaction était encore plus élevé chez les patients allergiques à la pénicilline qui recevaient des non-antibiotiques sulfonamides (14,2 %). Les pénicillines n’ont pas de fraction sulfamide, de sorte que les chercheurs ont fait valoir que toute réactivité croisée aux sulfamides semble principalement liée à une plus grande prédisposition aux réactions allergiques en général chez les patients allergiques aux antibiotiques sulfamides, plutôt qu’à une hypersensibilité spécifique aux sulfas.
Dans notre cas, les réactions antérieures de notre patiente aux médicaments « sulfas » et à l’hydrochlorothiazide n’étaient pas bien documentées, et ni elle ni le pharmacien ne pouvaient se souvenir de la nature spécifique des réactions. Comme la patiente pensait que ses réactions étaient graves et que son allergie s’étendait aux sulfamides antibiotiques et non antibiotiques, j’ai été obligé de trouver une alternative au furosémide.
Un coup d’œil au tableau 1 montre que la plupart des agents diurétiques sont des dérivés des sulfamides. Les seuls diurétiques qui ne le sont pas sont les diurétiques d’épargne potassique (triamtérène, spironolactone et amiloride) et l’acide éthacrynique.6 À l’époque, le pharmacien m’a informé qu’il n’avait pas d’acide éthacrynique en stock, j’ai donc choisi l’amiloride. J’ai réalisé qu’il n’avait pas le même effet natriurétique que l’acide éthacrynique, l’agent de choix dans ce cas, et qu’elle devait être suivie de près puisqu’elle prenait également un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. Certains pourraient faire valoir que la spironolactone, un agent d’épargne potassique doté d’une forte activité anti-aldostérone, serait préférable si l’on en croit l’étude d’évaluation randomisée de l’aldactone7 qui a fait date et qui a montré une amélioration de la survie chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque congestive grave (classe III ou IV) qui l’utilisaient. Mon patient, cependant, ne présentait pas ce degré de maladie. Plusieurs semaines après avoir commencé à prendre de l’amiloride (10 mg par jour par voie orale), Mme MacDonald a développé une hyperkaliémie (K+ = 6,3 mmol/L). À ce moment-là, cependant, la pharmacie avait reçu des comprimés d’acide éthacrynique, et ma patiente se porte bien avec ce médicament à une dose de 50 mg par jour et ne se plaint plus de dyspnée ou d’œdème.